1989 : le tourniquet et les premiers eurodéputé·es verts
Libération, 24 avril 1989 : « Antoine Waechter est devenu la bête noire de tout ce qui est à gauche de la gauche ». À l’aune du 3e scrutin européen, une prise de conscience du danger qui guette apparaît en France. L’accident de Tchernobyl, les neuf millions d’entrées pour L’Ours de Jean-Jacques Annaud et la conférence de La Haye ont fini de mettre l’environnement à la une des médias. Waechter est alors la figure de proue du parti écologiste. Candidat à la présidentielle en 88, une obsession le transporte : rentrer dans les institutions, et dans la durée. Sérieux, crédibilité, rigueur, c’est avec ce mantra que les Verts pourront selon lui devenir une alternative au PS, alors que le deuxième mandat de Mitterrand part à vau-l’eau. Les élections européennes le voient triompher, puisqu’avec 10,6% des voix, huit écologistes français·es prennent leur billet (de train) pour Bruxelles. « C’est la première fois qu’on est payés pour faire de la politique, nota Dominique Voynet, pour nous, c’est un luxe inouï. Avant, on avait un métier qui nous bouffait. »
Cinq années de mandat au cours desquelles iels se confrontent pour la première fois à l’univers européen. Réunion de la commission des transports sur un yacht en Grèce, pression quotidienne des promoteurs de l’OGM : les lobbyistes sont déjà à l’époque bien en place, fourmillant d’arguments malgré l’imperméabilité des eurodéputé·es verts. La jouant collectif, ces dernier·es font profiter le plus grand monde en mettant en place « un tourniquet », les huit élu·es laissant leur place à mi-mandat aux huit suivant·es sur la liste, les un·es devenant les assistant·es parlementaires des autres.
Une expérience, à l’image du score des Verts aux européennes suivantes (2,95%), qui ne dura pas. On constate alors que le succès de Waechter en 89 ne venait ni de sa stratégie, ni de son incarnation mais bien par des victoires culturelles et médiatiques acquises dans l’opinion, lui offrant une conjoncture favorable. Défait par Voynet lors d’un congrès des Verts actant la gauchisation du parti, devenu une bête noire au sein même de son mouvement, Antoine Waechter fut alors éjecté d’un tourniquet vert devenu bien trop-trotskiste pour lui.
Bastien De Waële
Jeune écologiste du Groupe Local de Rouen
Membre du Groupe de Travail Europe/International