Jeudi 28 mars, 3e jour du Forum Social Mondial à Tunis
Nous vous proposons de (re)vivre notre alter-journée tunisienne à travers quelques photos et mots clés, de façon à saisir facilement la richesse et l’intensité du Forums et de nos rencontres.
Énergies
Difficile de passer une heure sur le campus El Manar de Tunis sans ressentir l’énergie des jeunes (tunisiens tout particulièrement). Logiquement très nombreux sur le site du Forum (en tant que volontaires ou participants) ils nous ont réservés un accueil extraordinairement chaleureux.
Mais c’est plutôt de l’énergie en tant qu’enjeux politique et stratégique dont il est question ici.
Nous animions hier après-midi un atelier (en partenariat avec ATTAC, le CRID – Ritimo et d’autres intervenants français et tunisiens dont Samir Meddeb et Evelyne Perrin) intitulé “la transition énergétique, levier vers un nouveau modèle de développement ?”.
S’inscrivant dans notre campagne Révolution énergétique, cet atelier visait d’abord à expliquer les enjeux de la transition énergétique et la façon dont nous pensons qu’elle peut être déployée, mais aussi à démontrer qu’elle peut être un vecteur d’un autre développement économique, synonyme de décentralisation/relocalisation, de démocratisation et d’initiative citoyenne, de créations d’emplois, de transparence, de sobriété et d’une nouvelle vision de l’aménagement du territoire et de l’exploitation des ressources naturelles.
Malgré des conditions d’organisation un peu difficile (partenariat avec des militants ou organisation que nous n’avions pas tous pu rencontrer au préalable, pas de moyen de traduction, salle spartiate), nous avons réuni plus de 50 participants durant plus de 2h, avec comme résultat des débats passionnés et une rencontre/mise en réseau de nombreux militants, experts, associatifs et professionnels de divers pays.
Transition et démocratie
La transition est également un mot fort du FSM. Non pas pour son volet énergétique comme nous avons pu en parler plus haut, mais plutôt au niveau de la transition démocratique que vivent le Tunisie et autres pays arabes. De très nombreux ateliers étaient consacrés à cette question (lire ici un article récent du Huffington Post) Mais c’est extérieurement que le Forum fait sentir l’effervescence politique dans laquelle le pays est plongé, avec une multiplication du nombre de formations politiques, la renaissance des associations (qui sont passées de 10 000 à 15 000 en 2 ans) et un engagement très fort des jeunes – qui ont “fait” la Révolution, en jouant un rôle moteur dans les manifestations fin 2010.
Nous reviendrons dans un billet spécial (et une vidéo) sur l’engagement des jeunes tunisiens, mais nous ne renonçons pas au plaisir de partager avec vous – dans nos différents articles – des photos illustrant cet engouement récent pour la chose publique, après des années de dictature.
Islam et politique
La tenue du FSM à Tunis, 2 ans après la Révolution du 14 janvier 2011, a pour conséquence une place centrale des problématiques démocratiques dans les débats du Forum. A l’heure où la Tunisie s’interroge sur sa Constitution et les règles qui doivent régir sa “nouvelle” organisation politique et institutionnelle, la question de la place de l’Islam dans la vie politique se pose également de façon accrue. En effet, l’Assemblée constituante de novembre 2011 a fait d’Ennahda, parti islamiste fondé en 1981, la principale force politique du pays, démontrant que comme en Egypte ou ailleurs, les islamistes sortent souvent renforcés des révolutions populaires. Nous publierons très rapidement un article sur cette question, suite aux débats auxquels nous avons assistés, notamment avec Tariq Ramadan.
Facebook et Lablabi
Jeudi soir, nous rencontrons à la soirée “verte” organisée parla Heinrich Böll Foundation un groupe de jeunes tunisiens. Aujourd’hui très impliqués dans la vie politique et militante, ils nous parlent de “leur” Révolution et de la façon dont ils ont vécu et continuent de vivre ce tournant historique pour leur pays. Étudiants ou chômeurs à l’époque, ils nous expliquent le rôle central qu’ont joué Internet et les réseaux sociaux dans la mobilisation quotidienne et la transmission d’information, surtout lors des couvre-feu. Après ces excellentes discussions, nous voilà embarqués avec eux en voiture dans les rues de Tunis pour trouver un restaurant où manger du lablabi (لبلابي), un plat populaire tunisien à base de pois chiches, de pain et d’une soupe parfumée au cumin, qu’ils tiennent absolument à nous faire goûter.
Tunis
Comme l’explique le guide officiel du FSM, l’organisation de son édition 2013 à Tunis n’est pas le fruit du hasard.
“Les profonds changements politiques intervenus dans la région depuis fin 2010 ont largement marqué l’évolution des luttes sociales et politique dans le monde. Intervenues alors que la crise financière, économique et écologique mondiale est à son apogée, les révolutions arabes ont eu une incidence majeure sur la nature des luttes sociales et leurs formes dans le monde.
Partout dans le monde de nouveaux mouvements ont émergés pour dénoncer les politiques d’austérité, les situations d’oppression et l’exclusion du plus grand nombre. Ces nouveaux mouvement qui se sont inspirés des valeurs mises en avant par les révolutions tunisienne et égyptienne se sont étendus à plusieurs dizaines de villes du monde entier pour dénoncer l’injustice, l’oppression des forces économiques et financières dominantes et revendiquer le pouvoir pour les peuples.
Par ailleurs, et dans le cadre des négociations internationales sur l’environnement, les mouvements pour la justice écologique ont réussi à influencer l’agenda des luttes sociales des dernières années et à s’intégrer dans le mouvement général de protestation. Tous ces mouvements, au delà de leur spécificités propres, convergent dans leur exigence d’un monde juste, solidaire, respectueux de l’environnement. Ils convergent aussi au sein du FSM pour réaffirmer, dans un contexte mondial qui leur donne davantage de force et de visibilité, la nécessité d’une autre monde.
Lors du Forum social mondial tenu à Dakar en 2011, l’idée d’organiser la prochaine édition de 2013 dans la régino Maghreg/Mashrek a été largement débattue et soutenue par les mouvements sociaux de toute part. L’idée a ensuite été discutée a diverse reprise au sein des mouvements de la région elle-même et au sein du conseil international du FSM. La décision a finalement été prise de tenir ce Forum à Tunis. A travers cette nouvelle édition du FSM, il s’agit d’une part de s’inspirer de la vitalité et du courage des peuples de cette région, longtemps soumis aux dictatures et à un ordre mondial et régional défavorable, et d’autre part d’accompagner et d’amplifier les mouvements de protestations, et leur offrir un nouveau cadre de convergence pour mieux valoriser les alternatives qu’ils portant.”
Zouhair Yahyaoui
Nous avons découvert l’histoire de ce militant en nous rendant au PLUG hier soir, un bar très fréquenté par des jeunes blogueurs et journalistes tunisiens. Son portrait trônait dans la salle, comme pour lui rendre hommage, car il faut dire qu’il y a de quoi.
Zouhair Yahyaoui est un cyberdissident tunisien, engagé en faveur de la liberté d’expression.
Il fonde en juillet 2001 le site web TUNeZINE, l’un des principaux site de l’opposition politique au régime de Ben Ali. Connu pour ses écrits vitriolés, rédigés sous le pseudonyme d’Ettounsi (« Le Tunisien » en arabe), il dénonce la censure et le non-respect des droits de l’homme. Arrêté et jugé pour des raisons politiques, il est condamné en juillet 2002 à 2 ans prison. Il passe un an et demi à la prison de Borj El Amri où il subit torture et humiliations et entreprend des grèves de la faim pour protester contre sa détention.
Fortement soutenu par la communauté blogueuse tunisienne et par des organisations internationales – il reçoit en 2003 le premier prix Cyberliberté de Reporters sans frontières, il est relâché mais décède rapidement, à l’âge de 37 ans d’une crise cardiaque, le 13 mars 2005.
Il fait parti de ces nombreux militants du net (qui ont joué un rôle important avant ou pendant le Printemps arabe) et auxquels nous souhaitions rendre hommage dans cet article.
A suivre dans la journée : Sidi Bou Saïd, féminisme, liberté d’expression et écologie
A demain pour des nouvelles fraîches !