Formation GENEPI : quelle est l’actualité du système carcéral en France ?
Le 21 mai, Yves Januel, vice-président du GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées), chargé de l’information et de la sensibilisation du public et Guillaume Fontan, trésorier sont venus nous parler du système judiciaire, de la prison et des activités de leur association. L’occasion de déconstruire quelques préjugés sur le milieu carcéral et d’aborder de nombreux sujets, de la surpopulation carcérale, au travail en prison en passant par la récidive, la sexualité en prison ou encore la question des nouvelles prisons.
Qu’est-ce que le GENEPI ?
Le GENEPI est une association créée en 1976, composée d’étudiantEs dont le premier objectif, d’après leur Charte (http://www.genepi.fr/association/notre_charte.html), de « participer au décloisonnement de la prison en établissant un lien entre les détenus et le monde extérieur », notamment en animant dans les prisons des ateliers socioculturels ou de soutien scolaire. Les activités du GENEPI sont aussi tournées vers l’extérieur : revue de réflexion sur le milieu Carcéral (le Passe Murailles : dernier numéro ici – http://www.genepi.fr/actualites/article-708.html), sensibilisation au grand public par l’organisation de débats ou de conférences, en particulier avec d’anciens détenus.
Quels sont les différents types de prisons ?
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Les maisons d’arrêt : elles sont destinées à accueillir les détenus en préventive et les courtes peines (jusqu’à 2 ans). Elles ne sont pas soumises à un numerus closus, donc sont les plus surpeuplées.
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Les centres de détention : ils accueillent les détenus condamnés à plus de deux ans d’enfermement ;
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Les quartiers de haute sécurité, peu nombreux, se trouvent dans les maisons d’arrêt, afin d’accueillir les détenus jugés les plus dangereux (terroristes), ou les plus revendicatifs (par exemple, ceux qui se sont évadés auparavant).
Quelques chiffres sur la prison (d’après http://www.carceropolis.fr/)
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76 798 personnes sont sous écrou, soit 12 194 de plus que le nombre de places totales. Parmi elles, on estime que 639 dorment sur un matelas posé à même le sol.
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Seulement 3,6% des détenuEs sont des femmes
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724 mineurs sont en prison, en majorité dans des Etablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM)
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25% des personnes en détention sont en préventive, alors même que ce devrait être une mesure exceptionnelle. La détention préventive peut pourtant durer plusieurs années !
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Le temps moyen passé en détention est de 8 à 9 mois.
Quelques problématiques spécifiques abordées lors de la formation
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La question des partenariats publics privés (PPP) et des nouveaux établissements
De plus en plus de prisons sont construites en PPP, avec la participation de grands groupes du bâtiment. Le principe : l’Etat est locataire pendant une durée de 20 ou 30 ans et verse un loyer au constructeur.
Cela pose un certain nombre de problèmes, notamment parce que les objectifs principaux de ces constructeurs sont la sécurité et la réduction des coûts, ce qui les conduit à réaliser de grandes prisons éloignées des centres villes, et peut poser un problème d’accès par exemple pour les proches, outre une rélégation symbolique.
Le budget de l’administration pénitentiaire (2,39 milliards d’euros en 2012) a fortement augmenté, ce qui n’est pas sans lien avec les loyers qu’elle doit payer dans le cadre de ces PPP.
Les taux de suicide sont par ailleurs bien plus élevés dans ces nouveaux établissements. En effet, l’automatisation des mécanismes afin de garantir davantage de sécurité conduit à une dépersonnalisation et à une réduction des échanges entre détenus et surveillants : on n’y croise plus personne ! Cela tend à renforcer les problèmes psychologiques dont souffrent certains détenus et rend encore plus difficile leur réinsertion.
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La place des surveillants
Le taux de suicide des surveillants est supérieur de 31% à celui de la moyenne de la population française.
Les surveillants ont, théoriquement, une double mission : assurer la sécurité dans la prison et favoriser la réinsertion des détenus à la sortie de la prison. Leurs moyens étant limités, ils sont conduits à assurer quasiment uniquement la sécurité de la prison.
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La sexualité en prison
D’après les textes, la prison ne devrait être « que » la privation d’aller et venir. La réalité est bien plus complexe.
En ce qui concerne la sexualité, se sont développées des « Unités de vie familiale » (UVF), destinées à accueillir les détenus et leur famille pendant une durée de 72h. Il en existe dans 25 prisons sur les 190 du territoire français. Si ces UVF semblent appréciées, elles posent néanmoins un certain nombre de problèmes, puisqu’elles consistent d’une certaine manière à « enfermer » la famille pendant 72h…
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Les peines non exécutées
On entend souvent dire que 80 000 peines ne sont pas exécutées chaque année. En réalité, il existe plusieurs types de situations.
Après la plupart des condamnations, le mandat de dépôt n’est pas immédiat, parce que cela demande de l’organisation, ou parce que les prisons sont surpeuplées. Parfois, au moment où l’administration est donc en mesure de l’incarcérer, le condamné a vu sa situation évoluer (il a trouvé un emploi par exemple) et la peine peut donc être réévaluée par le juge d’application des peines afin de lui éviter une peine de prison.
Surtout, de nombreuses peines ne sont simplement pas encore exécutées.
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Le travail des détenus en détention
Seuls 25% des détenus peuvent travailler. La rémunération moyenne est de 4,15 € de l’heure et de 318 € par mois.
Beaucoup exercent des activités pour le compte d’entreprises privées de travail à la chaîne et sont payés à la pièce. Les détenus peuvent également travailler pour la prison : nettoyage, tenue de la bibliothèque,… Ce sont généralement des activités très peu qualifiantes qui ne sont pas toujours valorisables au moment de la sortie de prison. Cependant, elles permettent d’avoir une occupation hors de sa cellule.
Le travail en prison n’est pas encadré par le droit du travail, les détenus peuvent donc être remplacés sans raison et il n’existe pas de salaire minimum. La France a été condamnée à de nombreuses reprises par des instances européennes, notamment le Conseil de l’Europe pour atteinte à la dignité des personnes (mais également à cause du prix des denrées en prison qui sont extrêmement élevés). Pourtant, les indemnités à payer sont trop faibles pour que ce soit dissuasif à l’échelle de l’administration pénitentiaire.
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Quelques débats autour de la Conférence de consensus lancée par le Ministère de la justice
En septembre 2012, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a lancé une conférence de consensus sur la prévention de la récidive, réunissant l’ensemble des acteurs travaillant autour des questions carcérales et judiciaires. De nombreux débats y ont été abordés.
Avant toute chose, un éclaircissement sur la question de la récidive : le taux de re-condamnation dans les 5 ans pour récidive est de 60% pour les hommes, 34% pour les femmes, mais il concerne majoritairement des infractions et des délits et n’est que de 4,6% pour les crimes.
Surtout, la récidive est réduite de 25% en cas de liberté conditionnelle et de 18% en cas d’aménagement de peine, toute chose égale par ailleurs !
La conférence de consensus a abordé la possibilité d’une libération conditionnelle automatique à la moitié de la peine, si certains critères sont respectés (avoir un emploi, une situation familiale stable, un logement) et vérifiés par l’administration pénitentiaire.
Autre sujet : la prison comme peine de référence. Les peines prononcées, si elles ne sont pas des peines d’enfermement, sont, encore aujourd’hui, largement considérées comme étant des peines « alternatives », c’est-à-dire alternatives à la prison. Pourtant, cela renvoie à une réflexion plus générale sur le sens de la peine, qui, pour le GENEPI, suppose un objectif de réinsertion : si on ne pense pas que la peine prononcée puisse servir à cet objectif, la peine est alors inutile.
Christine Taubira a évoqué la possibilité de mettre en place une peine de probation, qui serait effectuée dans la société, par exemple des Travaux d’intérêt général (TIG), sans référence à une peine d’enfermement.