Depuis plus d’un an, Free et Google croisent le fer. L’enjeu ? Free veut faire payer l’utilisation du réseau aux fournisseurs de données, dont You Tube, propriété de Google, accusé par le fournisseur d’accès d’utiliser trop de bande passante.
Le jeudi 20 septembre 2012, l’UFC-Que-choisir a annoncé la saisine de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et du régulateur des télécoms, l’Arcep. L’association vise Free : les « freenautes » subiraient de nombreux ralentissements de l’hébergeur de vidéos YouTube, contrairement à d’autres fournisseurs d’accès à Internet.
Le vendredi 4 janvier 2013, Free décide de bloquer la publicité en ligne impactant essentiellement les bandeaux publicitaires de Google.
La fin programmé du principe de « neutralité du Net »
La neutralité du Net est un principe fondateur d’Internet. Elle garantit une séparation forte entre le réseau (dont le rôle unique est de transporter les données) et les applications en périphérie (qui seules sont en mesure de gérer ces données). Si aucune forme de discrimination n’est appliquée par les opérateurs en fonction de l’émetteur, du récepteur, ou de la nature même des informations qui y circulent, on peut alors parler de neutralité du Net. Les opérateurs ne décident ainsi pas si l’utilisation d’un service, d’une application ou l’accès à un contenu donné doit avoir la priorité sur le reste du flux d’informations. Grâce à ce principe, chacun sur un territoire, quel que soit son opérateur, a accès au même Internet.
Lors du sommet eG8 du 24 et 25 mai 2011, les opérateurs ont acté la fin de ce principe : il s’agit de faire payer plus cher ceux qui souhaitent accéder sans bride à certains services qui demandent davantage de bande passante. Cela permettrait également aux éditeurs de services d’acheter un accès privilégié aux abonnés à Internet, pour que leur service soit plus rapide que celui des concurrents qui ne paieraient pas ou qui paieraient moins. La fin de la neutralité du net permettrait de brider le réseau et son accès selon n’importe quel type de critère, pouvant ainsi gravement porter atteinte à la liberté d’expression et de communication.
Certains États ont pris les devants pour contrer cette décision. Ainsi, le Parlement néerlandais en juin 2011 et la Slovénie en janvier 2013 ont adopté une législation protégeant la neutralité du net.
La France en avant-garde des lois liberticides
Non seulement les gouvernements successifs ont pour l’instant refusé de légiférer sur la neutralité du net, mais c’est bien une pluie de lois liberticides qui s’abat sur notre pays depuis 2004 : LCEN (2004), Hadopi (2009), LOPPSI 2 (2011)… Ces lois font peser la responsabilité du contrôle des contenus illicites sur les épaules des FAI et des hébergeurs. Ces lois ont ainsi rendu le filtrage des données possible, voire même systématique, sans décision de justice préalable. Elles criminalisent l’utilisation de pseudonymes sur Internet.
Les « data-center »: le côté obscur du Net
Théorisé dans les années 1960, l’ARPANET, l’ancêtre d’internet, devait permettre de maintenir les télécommunications en cas d’attaque nucléaire. Il s’agissait d’imaginer un réseau robuste car décentralisé.
Avec le développement des centres de traitement de données depuis les années 1990, Internet tend au contraire à se reconcentrer autour de ces points de passage. De moins en moins de données sont conservées par les utilisateurs eux-mêmes, mais de plus en plus loin des yeux dans ces « data-centers » (centres de données). Non seulement le coût environnemental du stockage de ces données échappe à l’utilisateur, mais la propriété de ces données personnelles fait l’objet désormais d’une véritable économie parallèle, au mépris parfois des lois sur la protection des données personnelles.
Le rapport de Greenpeace d’avril 2012 intitulé “Votre cloud est-il Net?“ montrait que certains “data centers” consomment autant d’électricité que 250 000 foyers européens. Si le cloud était un pays, il se classerait au 5e rang mondial en terme de demande en électricité, et ses besoins devraient être encore multipliés par trois d’ici à 2020.
Une véritable réflexion avec tous les acteurs d’Internet doit être engagée pour enrayer ce processus et retrouver un usage décentralisé d’Internet, et ainsi rendre à l’utilisateur la pleine possession de ses données personnelles.
Une taxation de la publicité en ligne maintenant !
Le blocage de la publicité en ligne par Free a soulevé un vif émoi parmi les entreprises du secteur. Celles-ci ont montré leur dépendance extrême aux revenus dégagés par la publicité.
Il faut néanmoins souligner qu’une grande quantité de sites Internet vit sans publicité. La prise en compte des externalités négatives générées par la publicité qui, en fin de compte, sont payées par la collectivité, est indispensable pour prendre en compte la réalité du coût écologique élevé de nombreux services en ligne dits « gratuits ».
Pourtant votée au sénat en 2011 mais toujours reportée par le précédent gouvernement, la taxe sur la publicité en ligne portée par quatre députés socialistes dans la loi de finance pour 2013 a été rejetée. Les propositions des parlementaires sont très inspirées de la proposition du sénateur UMP de l’Oise Philippe Marini pour le prélèvement relativement modeste à hauteur de 1 % sur les investissements publicitaires sur Internet.
Afin de garantir la libre communication des pensées et des opinions (Article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen), de promouvoir un usage plus raisonné des ressources ainsi qu’un système économique moins dépendant de la publicité, les Jeunes Écologistes posent les revendications suivantes :
– reconnaître la valeur constitutionnelle du principe de neutralité du net, pendant fondamental de la liberté d’expression et de communication.
– rappeler que c’est bien à la police et à la justice d’interdire les contenus illicites, et non aux opérateurs de jouer les shérifs, et demandent en conséquence l’abrogation des lois « LCEN », « Hadopi » et »Loppsi 2″.
– instaurer une taxation sur les revenus dégagés par la publicité en ligne selon le principe du « pollueur–payeur ».
– affecter les recettes dégagées par cette taxe à la réduction de la fracture numérique mais aussi à la formation et l’information de nos concitoyens à de nouvelles pratiques plus économes en énergie et protectrices de leurs données personnelles.
– interdire toute utilisation de données personnelles à des fins commerciales.