L’APPEL DES JEUNES ÉCOLOGISTES
POUR LA RECONNAISSANCE DE L’EAU EN TANT QUE BIEN COMMUN DE L’HUMANITÉ
ET POUR LA GESTION PUBLIQUE, DÉMOCRATIQUE ET CITOYENNE DE LA RESSOURCE
Le 6ème Forum Mondial de l’Eau aura lieu à Marseille du 12 au 17 mars 2012. Face à cette tentative de marchandisation de la ressource, face à ce grand simulacre destiné à légitimer les intérêts des multinationales privées, les Jeunes Écologistes appellent à participer au Forum Alternatif Mondial de l’Eau qui sera également organisé à Marseille, du 14 au 17 mars 2012. Porte-voix des alternatives citoyennes, cet événement permettra de demander la reconnaissance de l’eau en tant que bien universel et d’évoquer les multiples initiatives à travers le monde qui visent à mettre en oeuvre une gestion publique et viable à long terme de l’eau, ressource vitale.
Le 28 juillet 2010, l’Organisation des Nations-Unies a reconnu le « droit à une eau potable salubre et propre » comme un droit fondamental de l’humanité. Dans le même temps, l’ONU rappelle que 884 millions de personnes dans le monde ne peuvent prétendre à ce droit, n’ayant pas accès à une source d’eau potable. Surtout, 5 000 enfants meurent chaque jour en moyenne en raison de maladies dues à la consommation d’une eau insalubre. Le chemin est donc encore long pour que ce droit d’accès à l’eau soit effectif. De surcroît, le réchauffement climatique déclenché par les émissions croissantes de gaz à effet de serre provoque un phénomène de raréfaction de la ressource : salinisation liée à la montée du niveau de la mer, sécheresses de plus en plus importantes, sans compter les pollutions grandissantes issues des activités industrielles et agricoles. Une fois de plus, ce sont les populations les plus pauvres qui sont et seront principalement touchées par cette raréfaction. À travers le monde, des millions de réfugiés environnementaux sont d’ores-et-déjà contraints de migrer vers d’autres territoires en raison de la disparition ou de la dégradation de leur accès à l’eau.
Les pays occidentaux possèdent une grande part de responsabilité dans ce constat peu enthousiasmant. Nos modes de production des biens manufacturés et des produits agricoles sont à l’origine d’un grand gaspillage. Aujourd’hui, selon l’ONU, 70% des ressources en eau existantes autour de la planète sont utilisées pour l’irrigation et 20% pour les besoins de l’industrie. La pression de confort généralisée par le mauvais exemple du mode de vie occidental banalise également le sentiment que l’eau est une ressource abondante pouvant être gaspillée sans conséquence.
« L’or bleu »… Les acteurs privés du secteur de l’énergie et de l’eau qualifient ainsi une ressource vitale devenue pour eux une source de profits. Appâtées par une raréfaction annoncée, les multinationales de l’eau, Véolia et Suez en tête, spéculent sur les besoins de base des populations. Elles génèrent ainsi des bénéfices indécents au prétexte de gérer les infrastructures d’approvisionnement en eau. En réalité, ici encore, c’est le paradigme du profit qui commande : la gestion de l’eau est devenue un business comme les autres. Les rouages bien rodés de la marchandisation tournent à plein régime, depuis le monopole technologique sur les outils d’assainissement jusqu’au matraquage publicitaire repeint en vert.
Dans ce contexte, nous regrettons que le 6ème Forum Mondial de l’Eau ne soit que le porte-étendard des intérêts privés des multinationales. Le Conseil Mondial de l’eau, organisateur de l’événement, ne possède aucune légitimité : uniquement composé de dirigeants d’entreprises privées, il ne laisse une place ni aux représentants des citoyens ni aux acteurs associatifs et humanitaires. À titre de démonstration, le président du CME, Loïc Fauchon, est également PDG du « Groupe des eaux de Marseille », filiale privée de Véolia. Avec l’appui des gouvernements occidentaux, dont la France, des organisations financières internationales et des agences de l’ONU, cette grand marché de l’eau tentera vainement de déguiser les potentiels bénéfices économiques de quelques uns en préoccupations d’intérêt général.
En outre, le coût indécent de ce forum, de l’ordre de 29 millions d’euros – ce chiffre étant incertain en raison de l’opacité de l’organisation –, est financé majoritairement sur des fonds publics. Comment un tel événement destiné à légitimer l’exploitation des ressources en eau par des multinationales privées peut-il exiger des contribuables de payer la majorité des frais d’organisation ? Nous dénonçons cette incohérence totale, reflet de la démesure des ambitions économiques de ces grandes entreprises.
Face à ce constat, les peuples ont décidé de ne pas se laisser faire. Mouvements citoyens, associations, ONG, syndicats ont choisi de s’unir pour faire entendre une alternative. Le Forum Alternatif Mondial de l’Eau, organisé à Marseille parallèlement au forum auto-proclamé « officiel », sera pendant une semaine le lieu d’expression de cette alternative. Les Jeunes Écologistes appellent à participer à cet événement et expriment leur profonde solidarité avec ceux qui luttent pour l’accès à l’eau, partout sur la planète. Luttes et initiatives pour favoriser l’accès à la ressource y convergeront et permettront de dessiner une autre vision de la gestion de l’eau. Au coeur de la logique du FAME, le droit universel – mais aujourd’hui bafoué – de tout être humain à l’eau potable réaffirme pourtant une évidence : l’eau n’est pas une marchandise. L’eau n’est pas une source de profits. L’eau ne peut être privatisée.
Partout, de nombreux succès ont fait reculer la privatisation de l’eau et l’abandon de sa gestion par les pouvoirs publics auprès des multinationales privées. Partout, la force de l’invention citoyenne est en marche. La reconquête de ce bien commun ne fait que commencer et les mouvements citoyens mutualisent d’ores-et-déjà leurs solutions pour un accès favorisé et une répartition plus équitable des ressources disponibles. Nous, jeunes écologistes, voulons que ces solutions d’avenir rencontrent l’écho qu’elles méritent, à Marseille et ailleurs. Le FAME sera donc l’occasion de faire porter notre voix et d’exprimer notre espoir de voir l’ensemble de la société s’emparer de cette question cruciale. L’enjeu est de rendre enfin possible la mise en oeuvre de politiques écologiques et sociales viables ainsi qu’une gestion équitable et durable de nos ressources en eau.
Face à ces enjeux, dans le cadre du Forum Alternatif Mondial de l’Eau, le mouvement des Jeunes Écologistes demande :
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que les États du monde, via l’Organisation des Nations-Unies, reconnaissent que l’eau est un bien commun partagé nécessitant une gestion publique en concertation avec les citoyens. La reconnaissance de ce statut de bien universel implique l’impossibilité de le considérer comme une marchandise, et par conséquent d’en tirer de quelconques bénéfices.
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que le droit universel d’accès à une eau potable ne reste pas un simple souhait et que l’aide internationale soit quantitativement et qualitativement orientée vers le développement des infrastructures d’assainissement et des installations sanitaires de base. La conférence pour la planète Rio+20, qui aura lieu en juin 2012, pourra notamment entériner le déploiement de dispositifs d’action en ce sens, la gestion rationnelle de l’eau ayant été définie comme un des sept domaines prioritaires du sommet.
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que le principe de subsidiarité soit appliqué dans la gestion publique et citoyenne des ressources en eau, l’échelle régionale étant la plus pertinente pour s’adapter aux contraintes des populations et de l’environnement local.
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que la lutte contre le réchauffement climatique devienne enfin une priorité et que nos modes de production soient reconsidérés afin de limiter leurs effets dévastateurs sur les ressources en eau disponibles et son cycle de renouvellement. La préservation de ces ressources est en effet indispensable à la survie de l’humanité et de la biodiversité sur Terre.
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que les perspectives et réflexions liées à la gestion de la ressource en eau soit regroupées au sein d’une Organisation Mondiale de l’Eau gérée démocratiquement et reconnue par les instances internationales comme regroupant l’ensemble des acteurs concernés par la question (citoyens, parlementaires, représentants des États, mouvements associatifs, scientifiques, etc). Là se situent les conditions de sa légitimité et la garantie que l’intérêt général sera prioritaire sur toute autre considération. Cette organisation travaillerait en cohérence étroite avec l’Organisation Mondiale de l’Environnement dont les écologistes demandent par ailleurs la création.