« L’écologie est une rébellion de l’esprit critique contre toute forme de pouvoir abusif. » Noël Mamère
Qu’est-ce que l’écologie ?
Le terme « écologie« , dans sa définition scientifique initiale, désigne le vaste domaine d’étude des interactions entre les individus (seuls ou en groupe) et les milieux qui les entourent (leur environnement), milieux dont ils font eux-mêmes parties.
L’environnementalisme ou écologisme est à la fois un courant de pensée (idéologique et philosophique) et un corpus de valeurs et de propositions qui vise la préservation des milieux naturels et des écosystèmes vivants pouvant être altérés par l’activité humaine. Certains théoriciens, associations (Les Amis de la Terre, Greenpeace, Sortir du Nucléaire) et représentants de l’écologie politique sont aujourd’hui des représentants actifs de cette pensée.
L’écologie politique, enfin, est un mouvement socioculturel nourri d’influences diverses (mouvements altermondialistes, féministes, pacifistes et non-violents, libertaires, socialistes, autogestionnaires, etc…) qui, depuis les années 1970, revendique la possibilité de mener une action politique prenant en compte les enjeux écologistes.
Perspective historique
Historiquement et culturellement, le monde occidental s’est construit autour du mythe de la domination des hommes sur les forces de la nature. Cette vision de l’être humain, comme placé au centre de l’univers, est en partie issue de la culture judéo-chrétienne et de la représentation de la Genèse (Dieu donne explicitement la Terre aux Hommes tel un outil qu’ils doivent dominer) mais aussi du mouvement humaniste de la Renaissance (l’homme est le centre du monde) puis des Lumières (où la connaissance du monde permet ensuite sa transformation mécanique guidée par l’idée du Progrès).
Les idées de l’écologie politique ont émergé durant la révolution industrielle occidentale, dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est par exemple dans l’Angleterre et l’Allemagne des années 1870 qu’apparaît une certaine critique du développement industriel et de ses conséquences tant sur les peuples que sur leur environnement. Mais les années 1960 et 1970 marqueront réellement les premiers pas de l’écologie sur la scène politique, portant notamment une critique radicale de la société de consommation et du capitalisme, à l’instar de René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle française en 1974.
L’écologie politique
Alors que l’écologie s’était initialement donnée pour objectif d’étudier les rapports entre un organisme et le milieu naturel, l’écologie politique fait suite à une prise de conscience des limites de l’anthropocentrisme, conception philosophique qui considère l’homme comme l’entité centrale de l’univers.
Surtout, le discours écologiste prend la forme d’un récit critique de l’avènement de la société de consommation et du phénomène croissant de marchandisation du monde. L’écologie politique, telle que vue par des penseurs comme André Gorz ou Alain Lipietz, présente alors des points communs avec la dimension critique du marxisme, refusant « l’ordre des choses existant ». Ne se limitant pas à une analyse du rapport de force entre les travailleurs et les propriétaires du capital, l’écologie intègre à ses réflexions le rapport qu’entretient l’humanité avec la nature et exprime la nécessité de prendre en compte l’impact de nos modes de vie et de production sur les milieux vivants. À la clé de cette pensée se situe la notion de responsabilité, à la fois vis-à-vis des populations directement victimes de ces modes de vie insoutenables et des générations futures.
Au-delà d’une simple posture critique, les écologistes défendent la mise en œuvre d’un nouveau modèle de société où le vivant serait prioritaire sur l’obsession du développement économique et du profit. Ce nouveau prisme se projette dans tous les domaines : de l’agriculture aux transports, du réchauffement climatique au système éducatif, de l’économie au secteur social. Dès lors, l’écologie politique lutte logiquement contre l’uniformisation économique et culturelle qui caractérise notre modernité. Elle se bat pour la reconnaissance des minorités et l’égalité des droits. Elle défend les valeurs d’autonomie, d’égalité, de démocratie, de solidarité, d’égalité, de fédéralisme, de justice sociale et environnementale.
Critique de la gauche productiviste
Les écologistes qualifient de productivisme la logique économique qui conduit à produire toujours plus. Cette logique vise à développer infiniment notre capacité de production de biens et de services sans pour autant réduire la densité du travail et l’impact de celui-ci sur les ressources naturelles. Généralement, la recherche de la productivité sert la recherche du profit et ne fait que renforcer l’omnipotence du pouvoir économique.
Au fil du temps, grâce à l’ingéniosité humaine la productivité s’améliore : faut-il s’en plaindre ?
· Non, si pour la même production (supposée utile) on peut économiser de l’énergie, des matières premières et surtout du temps de travail.
· Oui, si l’utilité sociale de la production est discutable, si la hausse de productivité dégrade la planète et les conditions de travail ou si le capital est le seul bénéficiaire de cette amélioration.
Alors que les pays de l’Est s’engageaient sans succès vers un certain type de communisme, les pays capitalistes développés ont mis en place un modèle de développement censé répondre aux besoins de la société. Ce modèle capitaliste et libéral qui poussait jusqu’à l’extrême la division du travail garantissait aux salariés un « partage des fruits de la croissance » et donc un accès à la consommation de masse. Les forces de gauche, ayant adapté ce modèle via la social-démocratie, ont longtemps accepté ce compromis, voyant dans ce modèle économique un moyen de réduire les inégalités et d’améliorer le sort et la vie de millions de travailleurs. Pourtant, force est de reconnaître qu’un modèle économique prônant une croissance infinie dans un monde fini est incohérent. Aujourd’hui, la croissance constitue davantage le problème que la solution, notamment parce qu’elle contribue à l’aggravation des inégalités sociales, l’exploitation illimitée des ressources et la prolongation d’une logique économique dépassée car fondée sur l’accumulation matérielle.
La décroissance dont il est souvent question est plus celle de l’empreinte écologique, c’est-à-dire de l’impact de notre mode de vie sur notre environnement, que de l’économie réelle. De l’aveu même de ses penseurs (Serge Latouche, Paul Auriès), le terme « décroissance » est un mot-obus pour pulvériser la pensée économiste dominante et l’obsession du développement.
Aux antipodes de la décroissance, le concept de développement durable (commission Brundtland, 1987), intéressant dans ses principes, a été largement récupéré par la pensée économique dominante et la logique libérale, car il est moins anxiogène que l’idée de la simplicité volontaire ou de la frugalité, fût-elle heureuse. La triple dimension du concept de développement durable (économique, sociale, environnementale) a certes le mérite d’envisager la transversalité d’une action politique responsable. Cependant, l’argument du développement durable a été maintes fois utilisé pour justifier une nouvelle forme de croissance (la croissance « verte ») et pour servir des objectifs publicitaires, de manière purement utilitariste et dévoyée.
L’écologie, la crise et l’avenir
Crise économique, crise sociale, crise démocratique et crise écologique sont intrinsèquement liées. Les constats et les propositions des écologistes nourrissent désormais le discours des forces de gauche pour l’égalité et la solidarité. La précarité énergétique, les difficultés des agriculteurs, le malaise de la jeunesse, les oubliés de la société de consommation, les réfugiés climatiques… Autant d’interrogations auxquelles l’écologie politique apporte ses propres réponses, portant ainsi la lutte commune pour le progrès social et le bien-vivre. Il ne faut donc pas opposer la priorité sociale à la défense de l’environnement mais saisir au contraire l’urgence de l’enjeu écologique pour mieux faire progresser la dignité humaine.
C’est le combat que mène l’écologie politique.
« Toutes les questions ne sont pas écologistes dans leur problématique fondamentale, mais il y a un point de vue écologiste sur toutes les questions politiques. » Paul Ricoeur