La décision de Recep Tayyip Erdogan d’ourvir ses frontières avec l’Union européenne, prise vendredi 28 février, s’est suivie d’un afflux d’arrivées aux frontières grecques où les gardes-côte ont usé de méthodes inhumaines et illégales pour repousser les embarcations. Nous nous insurgeons de l’instrumentalisation de ces vies humaines et des flagrantes violations des droits humains que l’inaction coupable de l’UE a entraîné. Nous nous érigeons contre l’indifférence qui gagne : face à cet énième « crise migratoire », le cynisme et la brutalité dominent. Les mots nous manquent face aux images terribles qui nous parviennent ; honte et colère dominent. Nous demandons aux dirigeant.e.s de retrouver leur humanité et leur sens des responsabilités.

L’Union européenne avec le deal UE-Turquie de 2016 avait en quelque sorte balayé la problématique sous le tapis, en achetant à bas prix l’engagement de la Turquie à retenir son territoire les réfugié.e.s syrien.ne.s. Les accords d’externalisation de l’asile passés avec des régimes parfois bien peu respectables accomplissent la même fonction : invisibiliser et repousser les personnes qui cheminent vers l’Europe pour fuir les persécutions et la misère pour nous permettre d’ignorer ce qui a été construit comme un « problème ».

A cette heure, des dizaines de milliers de réfugié.e.s sont bloqué.e.s à la frontière grecque, espérant pouvoir continuer leur chemin vers l’Union européenne.

Ne faisons pas semblant de découvrir la situation : la crise de l’accueil dure depuis des années. Depuis déjà des années la situation dans les « hotspots » grecs est intenable : lâchement l’UE à travers le règlement Dublin a laissé peser la charge de l’accueil sur les pays de la frontière extérieure de l’Europe, sans assurer le soutien nécessaire, laissant ces hotspots devenir de réelles prisons à ciel ouvert. Déjà les camps étaient surpeuplés, déjà les conditions de vie imposées aux réfugié.e.s étaient en flagrante violations des droits humains les plus fondamentaux. 

Avec cet épisode, c’est encore un seuil dans l’effroyable qui est franchi, avec la complicité des pays membres de l’UE et de la Turquie. C’est le droit à la vie qui est atteint lorsque des gardes-côtes tirent sur des embarcations. L’UE se rend coupable de crimes.

Dans un monde de plus en plus instable et où la migration – phénomène tout à fait inscrit dans le cours ordinaire de l’histoire humaine – deviendra pour des millions la condition de la survie, la solution n’est pas la fermeture des frontières et la construction de murs. Les murs érigés sont des illusions trompeuses, des symboles vides et inopérants d’une réaffirmation vaine d’un pouvoir souverain dépassé par la globalisation et la multiplication des crises. Les murs n’ont jamais empêché le passage des hommes et des femmes qui fuient la guerre et la misère ; toujours les murs ont nourri les trafics d’êtres humains et le commerce des passeurs. Il y a un « business » de la sécurisation et de la militarisation des frontières, et il y a un « business » du passage de ces frontières – les deux s’entremêlent et se renforcent mutuellement.

Nous exigeons l’arrêt du refoulement des réfugié.e.s à la frontière grecque. Ces personnes sont en droit de demander une protection internationale : tant le refoulement que la suspension des enregistrements de demandes d’asile sont absolument illégales et en claire violation de la Convention de Genève et des conventions relatives aux droits humains.

Nous exigeons que des secours soient envoyés d’urgence au niveau de la frontière grecque pour secourir les embarcations et assurer les soins nécessaires aux personnes accostant en Grèce. Nous faisons face à une crise humanitaire de grande ampleur, face à laquelle l’inaction est immorale et criminelle.

Nous exigeons enfin une réelle politique migratoire lucide et responsable, qui mise sur l’accueil et l’intégration plutôt que la répression et l’invisibilisation par externalisation. Nous demandons qu’une réelle solidarité européenne soit mise en place et qu’un système d’asile équitable et respectant les droits des migrant.e.s soit instauré. 

Sans cela, nous serons l’Europe des murs et de la honteuse indifférence.

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