Une situation désastreuse
Dans la France d’aujourd’hui, le milieu carcéral reste un monde de craintes, mais surtout un monde de mystère pour la majorité des français. Alors qu’au premier juin 2015, 66 674 personnes sont derrière les barreaux, rares sont ceux capables de définir l’univers des prisons et la situation de ses occupants. Cependant, près de 71% des français estiment que la prison doit changer surtout en ce qui concerne les conditions de vie des détenus.
Au premier janvier 2015, le taux d’occupation des établissements pénitentiaires (le nombre de détenus rapporté au nombre de place) est de 114,6%. Si les chiffres semblent connaitre une légère baisse ils restent tout de même parmi les plus élevés d’Europe. A ce jours, plusieurs détenus se trouvent entassés par cellules. Selon Pierre-Victor Tournier, 969 détenus dorment sur un matelas posé à même le sol. Mais cette baisse cache une situation régulièrement dénoncée dans les médias et par les associations : la surpopulation carcérale, a conduit le Contrôleur général des lieux de privations de liberté à émettre des recommandations en urgence sur l’insalubrité de certains établissements pénitenciers. De plus, la moitié des décès en prison est le fruit de suicides, avec un taux de 15,6 suicides pour 10 000 détenus, contre une moyenne de 7,7 pour les autres pays européens. Mais si le nombre de suicide en prison n’évolue pas en parallèle avec l’évolution de la surpopulation carcérale, on pourra remarquer que le phénomène survient le plus souvent en début de peine (d’après l’INED), ceci témoignant de la brutalité avec laquelle s’impose la marginalisation. Dans les trente dernières années, la population carcérale comme la longueur des peines ont doublé, sans toutefois qu’une évolution similaire de la délinquance ne soit notée : la chasse aux sans-papiers et aux usagers de drogues, la généralisation de l’incarcération aux mineurs, ou la criminalisation des malades mentaux peuvent en être les causes. Ainsi, les prisons sont surpeuplées, les conditions de vie de leurs occupants s’en trouvent dégradées et leur réinsertion compromise par le sentiment d’abandon et le manque de considération à leur égard.
La France vit dans une politique du tout répressif que n’arrange pas les restrictions budgétaires étatiques. En effet la justice se lance dans une véritable politique du chiffre qui voit augmenter le nombre de« petites » arrestations, par manque de moyen et soucis d’obtenir le plus de résultats. Par exemple, depuis six ans, les arrestations pour usage de drogues ont augmenté de 33%, alors que celles pour trafic de drogue ont baissé de 7%. Cette course aux chiffres est en outre l’une des causes principales de l’explosion du nombre de garde-à-vue et autres procédures coûteuses, liées aux labyrinthes administratifs, à la gestion des dossiers et à la rémunération des magistrats. Il est important de ne pas oublier qu’avec 0,19% de son PIB investi dans la justice, la France reste l’un des pays occidentaux y consacrant la plus faible part de son budget.
Sa solution semble être la privatisation du milieu carcéral. Si le projet ne semble pas encore abouti, il existe d’ores et déjà certains arrangements avec de grandes entreprises privées(Bouygues, Eiffage) qui exploitent déjà trois établissements (Annœullin, Nantes, Réau) en partenariat avec l’État. De plus si la prison semble remplir son rôle en terme de « punition » et de «neutralisation », elle prouve son inefficacité pour ce qui est de la réinsertion –élément pourtant essentiel-. En effet, selon infostat justice (Avril 2014), dans 38% des cas, les condamnations en récidives sanctionnent le même type d’infraction que celles ayant conduit à l’emprisonnement initial.
Un système inefficace en matière de réinsertion
Une étude menée par le service correctionnel du Canada en 2003 montre que le niveau de sécurité des prisons et la durée de la peine ont une très grande influence sur l’intention de commettre un nouveau délit/crime. En effet, cette étude semble démontrer que la propension à récidiver est proportionnelle à la durée de la peine. Pour ce qui est du niveau de sécurité, les détenus incarcérés dans un établissement à sécurité minimale ou envoyés dans un centre de placement à l’extérieur (aménagement de peine sous écrous tel que les régime de semi-liberté ou la surveillance par bracelet électronique) étaient plus susceptibles de renoncer au crime que les détenus incarcérés dans des prisons à sécurité moyenne ou maximale. Cette étude semble confirmer la thèse selon laquelle la sévérité de la peine a un effet peu dissuasif quant à la criminalité future.
Des efforts ont pourtant été fait dans ce domaine, avec les aménagements de peine ou la liberté conditionnelle -qui semble toutefois être aussi mal vécue par les incarcérés que la détention elle-même-. Les prisons à ciel ouvert, qui permettent aux prisonniers de renouer avec l’extérieur, sont elles aussi expérimentées, mais ne sont proposées qu’en toute fin de peine. On peut également citer la loi relative à la »prévention de la récidive et à l’individualisation des peines » portée par Christiane Taubira, qui affiche une volonté de rupture avec le paradigme du »tout répressif »français, en supprimant notamment les peines plancher (introduites en 2007, elles faisaient en sorte que les crimes ou délits commis en état de récidive ne pouvaient plus être punis d’une peine d’emprisonnement ou de réclusion inférieure à certains seuils) et en instaurant la »contrainte pénale » qui soumet le détenu à un ensemble d’obligation et d’interdiction, tel que l’interdiction de rencontrer certaines personnes ou de se rendre dans certains lieux. La contrainte pénale met également en place un « accompagnement soutenu » de l’ancien détenu pouvant aller d’une durée de 6 mois à 5 ans (cette mesure étant applicable à toutes les peine au-delà de la 2017).
A court terme, les jeunes écologistes demandent :
– une réorientation du budget actuellement en grande partie destiné à la répression en faveur de la réinsertion, mais surtout de la prévention.
– une amélioration des conditions de détentions, en vertu des traités internationaux ratifiés par la France et au nom de la dignité à laquelle a droit chaque être humain. Cela passe par une généralisation des cellules individuelles, le respect des droits de base de l’être humain, la réduction de la population carcérale, la construction de nouveaux centres plus accueillants et moins tournés vers le tout-sécuritaire,
– la fin des partenariats public-privés animés par un objectif de rentabilité plus que de réinsertion,
– la garantie des droits civiques des détenus, au travers du droit de vote,
– la garantie de contrats de travail alignés sur ceux du reste de la population,
– la garantie du droit à la santé, à l’éducation, à l’intimité par des parloirs individuels, ainsi qu’à la sexualité,
– de placer la réinsertion comme objectif principal de la peine, en développant les structures de formation et d’accompagnement tout au long de la peine,
– une diminution drastique des chefs d’inculpation conduisant à l’incarcération chez les mineurs,
– un travail d’information auprès de la population sur la réalité des conditions de vie en milieu carcéral pour en finir avec l’image de la »prison cinq étoiles ». Ce travail semble essentiel, au vu du positionnement de l’opinion publique quant à la loi Taubira (jugée trop laxiste) et à la peine de mort.
A plus long terme, les jeunes écologistes souhaitent :
– création et développement de prisons de sécurité minimale sur le modèle de la prison de Bastøy, en Norvège,
– une diversification des peines, de manière à ce que l’enfermement ne soit plus la norme,
– privilégier les peines à court terme (deux ans ou moins) dans des prisons de sécurité minimale ou dans des centres de placement à l’extérieur afin de réduire les coûts des services correctionnels et réduire les risques de récidives.
Parce que les jeunes écologistes se battent non pour rendre chaque cage plus belle, mais pour les rendre toutes vides, les jeunes écologistes appellent à l’introduction dans le débat public d’une réflexion sur la place à laisser à la prison et à la privation de la liberté d’autrui dans notre société.
SOURCES :
- http://www.csc-scc.gc.ca/research/forum/e073/e073d-fra.shtml
- http://pierre-victortournier.blogspot.fr/2015/09/population-sous-ecrou-population-detenue.html