Système de retraite : il y a un problème, il existe des solutions

Le problème est connu : notre système de retraite voit ses ressources se réduire et ses dépenses augmenter. En tant que jeunes écologistes, nous avons à cœur de proposer des solutions qui puissent répondre à cette problématique croissante et ainsi préserver notre pacte social. Les précédentes réformes n’ont pour l’instant essayé qu’une seule solution, celle qui consiste à allonger la durée ou le montant de cotisation des travailleurs. C’est une solution injuste et inégale. Pourtant, il existe une alternative à la pression croissante du système capitaliste sur nos vies. Il existe des solutions pour financer nos retraites, solutions qui, en plus d’être équilibrées économiquement, peuvent permettre une réelle émancipation sociale et une transition écologique ambitieuse.

Ces solutions, nous voulons les porter, les défendre inlassablement, pour faire entendre une autre voix que celle des productivistes et des chiens de garde du libéralisme. Plus que de proposer une porte de sortie par rapport au déficit du système de retraite, il s’agit aussi d’ouvrir le chemin des possibles face aux inégalités du système actuel.

En effet, les inégalités entre retraités sont extrêmement fortes et le montant du minimum-vieillesse, de 8500 euros par an, est bien trop ridicule pour les atténuer. L’argument principalement évoqué pour allonger la durée de cotisation, celui de l’allongement de l’espérance de vie, n’est guère valable étant donné que l’espérance de vie en bonne santé recule depuis quelques années. Les inégalités accentuent ce phénomène et font payer doublement la note aux travailleurs qui ont du supporter davantage de pénibilité et/ou commencer à travailler plus tôt. En effet, à 60 ans, la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de 7 ans. En outre, les inégalités sociales sont accentuées par les inégalités de genre, la pension de retraite des femmes étant en moyenne 46% inférieure à celle des hommes.

Ces réalités n’arrangent pas les défenseurs du « travailler plus et pendant plus longtemps ». Elles sont pourtant un enjeu vital auquel la réforme des retraites doit répondre. Nous croyons que cette logique de solidarité sociale peut prendre le dessus sur l’égoïsme économique de quelques-uns, afin de permettre l’avènement d’une société apaisée et propice à l’émancipation.

Au-delà des logiques comptables, la réforme du système de retraite est un choix de société

Si le débat qui s’est ouvert sur le système de retraite doit prendre en compte la réalité immédiate des financements disponibles, il nous semble surtout propice à évoquer plus généralement la place et le sens que nous donnons au travail dans notre société. Financé par les cotisants et les acteurs économiques, notre système de retraite est une des pièces du puzzle de notre pacte social, ciment de notre société et de son pacte intergénérationnel, et ne se réduit donc pas à un unique problème comptable.

Enfermées dans une posture de défense face aux attaques ultralibérales, les forces de gauche, partis, syndicats, mouvements citoyens, se sont parfois limitées à une simple riposte. Elles n’ont pas su faire connaître leurs alternatives et ont malheureusement pu passer pour réactionnaires aux yeux d’une partie des citoyens. Lors des précédentes réformes, les points de débat se sont ainsi cristallisés autour de la question de l’âge légal de départ à la retraite ou du montant des pensions. Si ces points nous semblent évidemment cruciaux, ils sont pourtant loin d’être représentatifs du sens global que nous pouvons donner au travail et à notre contrat social en proposant une réforme juste du système.

Faisons donc de cette réforme des retraites un moment de débat citoyen et de discussion collective sur le sens de notre travail, de nos parcours de vie et de nos activités de production. Là se trouve la clé de la pérennité de notre pacte social et l’avènement d’une société différente, basée sur la logique de l’émancipation et de l’autonomie plutôt que sur la seule logique économique.

Une société de l’émancipation, une société du travail partagé

Le déficit du système de retraites tient principalement au déséquilibre grandissant entre les sources et les besoins de financement. Le nombre de retraités s’accroît de manière plus rapide que le nombre de cotisants, ce qui aboutit inévitablement à un décalage économique intenable. Plutôt que de vouloir faire peser encore plus le déficit du système sur les cotisants actuels en allongeant la durée de cotisation, il est indispensable de s’attaquer à la question de l’emploi afin de multiplier les ressources.

Depuis la Révolution Industrielle et les premiers acquis sociaux des travailleurs, la productivité a considérablement augmenté. La logique économique dominante a mis à profit ces gains d’efficacité pour accroître toujours plus le volume de production et les bénéfices produits. Dans le même temps, à la faveur des luttes menées par les travailleurs-euses, des acquis sociaux ont tout de même été obtenus : congés payés, réduction du temps travaillé, garanties sociales, etc. Ce progrès social indéniable, il faut le prolonger.

Nous, écologistes, considérons que le travail est un outil nécessaire à la production des biens et services vitaux pour le bon fonctionnement de la société.Mais, si ce travail est un moyen indispensable, il ne constitue pas la seule finalité qui définit la valeur donnée à chaque individu au sein du pacte social. D’autres objectifs épanouissants existent et la société peut offrir les conditions pour les atteindre : relations sociales, pratiques culturelles et artistiques, loisirs, vie associative et citoyenne favorisent davantage l’émancipation et la stabilité d’une société que l’accroissement des bénéfices des multinationales.

Alors, nous pensons que l’optimisation de l’efficacité du travail doit permettre de libérer les individus de la logique marchande plutôt que de servir la croissance économique dont les bénéfices sont trop inégalement répartis. Si nous travaillons de manière plus efficace, il paraît logique de travailler moins. Outre ce constat de bon sens, le partage du temps de travail peut constituer le socle d’un système de retraite par répartition juste et équilibré.

Partager le travail, c’est permettre à davantage de monde d’y accéder et augmenter ainsi le nombre de cotisants, et par conséquent les ressources nécessaires au financement des retraites. Associé à une transition écologique globale et transversale de l’économie, ce partage du temps travaillé peut permettre de réduire drastiquement le chômage et ainsi résoudre le problème du financement du système de retraite à sa source.

Se battre pour l’égalité, c’est se battre pour notre pacte social

Le déficit du système de retraite tient à plusieurs causes : le chômage en est une, les inégalités en sont une autre. Les femmes en sont les premières concernées. Seulement 44% des femmes parviennent à valider la totalité de leur durée de cotisation quand 86% des hommes arrivent à le faire. Sur l’ensemble des parcours professionnels, les femmes sont en moyenne payées 31% de moins que les hommes1. Cette injustice criante, en plus de nuire à l’égalité des sexes, nuit à l’équilibre de notre système de retraite. Se battre pour l’égalité salariale, le partage des tâches domestiques et la prise en compte des parcours de vie fragmentés revient dès lors à se battre pour un système plus équilibré et mieux financé.

La seconde inégalité majeure, c’est celle de la répartition des richesses. Depuis les années 80, les bénéfices des entreprises sont de plus en plus consacrés à la rémunération des actionnaires via le versement de dividendes. La part de la valeur ajoutée des sociétés dédiée au versement des salaires des employés est quant lui de plus en plus faible. Cette répartition des ressources nourrit en grande partie une économie déconnectée de la société. L’évolution constatée depuis les années 80 est d’autant plus injuste que les dividendes financiers sont soumis à une cotisation sociale très faible et contribuent donc très peu au financement du système de retraite et du pacte social en général. Il faut changer cela et, de manière plus globale, lutter de façon radicale contre la fraude fiscale et la finance peu régulée qui ne sait que trop bien comment s’extraire de la solidarité sociale.

Enfin, le débat à propos du système de retraite nous permet de porter une autre vision du salariat. Renouveler notre regard sur le travail, c’est aussi réinterroger la dissociation entre l’emploi salarié et l’entreprise en tant que telle : pour un pacte social juste, pour une participation des travailleurs aux décisions entreprenariales, pour retrouver le sens de notre activité de production, il nous semble souhaitable de développer les coopératives, ou toutes autres formes qui permettent une vie démocratique interne aux organisations, et d’appliquer des échelles d’écart maximum entre les salaires inférieurs et supérieurs au sein d’une même entreprise.

Pour une réforme juste et durable, portons une réforme écologiste du système de retraite

Pour résoudre la question de la viabilité de notre système de retraite à sa source, les Jeunes Écologistes proposent donc :

  • Un partage progressif du temps de travail pour répartir l’emploi, augmenter le nombre de cotisants et garantir un âge de départ à la retraite qui permette de profiter de cette dernière dans de bonnes conditions physiques et intellectuelles. Ce partage du temps de travail pourra être appliqué selon une méthode souple, en lien avec les négociations sociales au sein des filières et des entreprises : 32 heures, semaine de 4 jours, semaines de repos, année sabbatique payée, etc. Cette réduction devra s’accompagner d’une garantie de stabilité des revenus pour les salaires les plus bas tandis que les salaires les plus élevés seront baissés. Des mesures d’accompagnement garantissant un niveau de vie correct doivent être appliquées en parallèle dans un souci de bonne acceptabilité de la réforme (encadrement des loyers et des prix de vente, développement des transports en commun, etc).
  • Le remboursement à l’euro près des diminutions de cotisations sociales offertes par l’État : entre 2002 et 2012, l’État a accordé des diminution de cotisations sociales aux grandes entreprises au détriment de la Sécurité Sociale et ne les a jamais totalement compensés par des recettes. Il doit maintenant rembourser ce manque à gagner car le «trou» de la Sécurité Sociale n’est en fait que la dette cumulée de l’Etat auprès de l’assurance publique.
  • Un élargissement de l’assiette de financement du système de retraite mettant davantage à contribution les dividendes, les stocks-options et tous les autres revenus du patrimoine.
  • Une transition écologique de l’économie ambitieuse pour créer des emplois et des richesses profitables à l’équilibre du système de retraite, sans pour autant menacer la pérennité de la biosphère et des ressources naturelles.

En outre, afin de répondre aux enjeux de justice sociale et de garantir l’autonomie des citoyens-nes au sein d’un pacte social renouvelé, les Jeunes Écologistes se mobilisent pour :

  • Une meilleure prise en compte de la fragmentation des parcours de vie et de la pénibilité du travail : Certaines situations individuelles doivent davantage être prises en compte dans le calcul des pensions de retraites, comme la pénibilité de certains emplois, la parentalité, l’engagement associatif ou encore les périodes d’apprentissage. Il est nécessaire d’accentuer la prise en charge de ces temps de vie et contextes de travail dans le cadre du système de retraite. Pour cela, on peut envisager des majorations de pension ou encore des trimestres gratuits (sans cotisations) supplémentaires.
  • La création d’un pacte intergénérationnel qui favorise la fluidité des parcours de vie : le passage à la retraite est un changement brutal pour l’individu, tant en matière de mode de vie que de revenu. Nous proposons donc la création d’un pacte intergénérationnel qui offrirait aux cotisants approchant de la retraite un départ progressif via un temps partiel et, parallèlement et de la même manière, une insertion progressive dans le monde du travail pour les jeunes apprenants, le dispositif d’insertion devant être la plus fluide possible pour ne pas devenir synonyme de précarité.
  • L’instauration d’une retraite universelle. À la retraite, nous faisons tous le même « travail » : profiter de notre temps libre, de nos familles en essayant de préserver notre santé. A partir de là, il semble raisonnable et légitime de penser que nous avons tous droit à la même pension de retraite de base, qui nous soit garantie par la société pour laquelle nous avons travaillé plus de 40 ans. Nous préconisons donc l’instauration progressive d’une retraite universelle.
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