Alors que, depuis des décennies, un chômage endémique et structurel mêlé à la paupérisation des travailleur-se-s et à la précarisation des emplois sont le lot quotidien de nos sociétés, nos dirigeants actuels continuent par leurs réformes de ne reconnaître que le travail salarié comme vecteur de valorisation sociale. Les gouvernements successifs s’entêtent au fil de leurs réformes à vouloir faire travailler tout le monde à n’importe quel prix, voyant de la compétitivité et de la « flexisécurité » là où ne se trouve que de la précarité. Le chômage semble ainsi considéré bien trop souvent comme le mal de ce siècle, les chômeurs et chômeuses en devenant les parasites, « assistés » et paresseux. De facto, cinq millions de personnes enfermées dans un chômage structurel sont exclues de la société. Cette situation semble convenir à nos gouvernements successifs, qui, loin de chercher à valoriser d’autres formes d’accomplissement personnel que le travail salarié, entretiennent le mythe de celui-ci comme socle de l’organisation sociale, fut-ce au prix de la santé et de la dignité des travailleur-se-s toujours plus précarisés.
Toutefois, en France et à l’étranger, des voix s’élèvent pour appeler à un changement profond de la manière de voir le travail et le chômage. Tandis qu’en France, les jeunes, les travailleur-se-s, les chômeurs-ses et et les seniors commencent à se mobiliser contre la loi travail -à l’heure où nous écrivons ces lignes- et rappellent que l’ »on vaut mieux que ça », les initiatives visant à l’application concrète d’un revenu de base se multiplient à l’étranger, au Canada, en Inde, en Suisse, en Finlande ou aux Pays-Bas.
Les Jeunes Ecologistes affirment la nécessité d’un Revenu de Base, dont ils expliquent ici leur vision. Ce revenu de base, disponible de la naissance à la mort pour tout-e résident-e en France serait inconditionnel, sans contrepartie, cumulable, individuel et un droit inaliénable. En plus de permettre une revalorisation du travail associatif et domestique, aux côtés du travail salarié, celui-ci permettrait une simplification salutaire des prestations auxquelles les individus ont droit.
Sans autre critère d’attribution que de vivre en France, les Jeunes Écologistes défendent l’idée d’un revenu de base en direction de toute personne dont le domicile principal et fiscal est situé sur ce territoire.
Les Jeunes Ecologistes réclament un revenu inconditionnel. Le non recours au RSA (aux alentours de 50%) est un exemple éloquent de la difficulté d’obtenir des aides, même lorsqu’on y a droit. Avec l’inconditionnalité du Revenu de Base, en plus de la simplification du versement des prestations, c’est également l’assurance que chacun perçoit son revenu universel sans avoir à surmonter le labyrinthe administratif, ni à subir « l’épreuve du guichet ». Inconditionnel signifie également sans aucune contrepartie: ainsi chacun sera libre d’utiliser ce revenu de base comme il/elle le souhaite, laissant libre à chacun son son choix de vie avec cette base financière. Paradoxalement, accepter un emploi précaire peut parfois entraîner une perte de revenu par rapport à celui que permet d’avoir certaines aides sociales. Poser l’inconditionnalité du revenu de base, c’est permettre le choix de toutes et tous et également de déconnecter l’emploi du revenu.
Les Jeunes Écologistes considèrent que le Revenu de Base devrait être un droit inaliénable. En effet, il offre matériellement à tout citoyen-ne un niveau de vie décent, lui permettant de vivre dignement et de s’épanouir. En ce sens, il doit s’affirmer comme un droit politique, au même titre que le droit de vote, le droit au logement et le droit à une alimentation saine. Les Jeunes Écologistes estiment que le Revenu de base doit s’imposer, à terme, comme un droit fondamental de tout-e citoyen-ne du monde.
Un revenu universel, s’il répond à certaines conditions, peut être le vecteur d’un changement politique profond. En effet, en assurant à chacun-e les moyens de vivre dans la dignité, indépendamment d’un-e employeur-se, il constituerait une véritable révolution dans notre société.
D’abord, le revenu universel permet de ne plus dépendre du salariat pour pouvoir vivre. Il s’agit donc d’éradiquer le concept même de misère, en attribuant à tou-te-s un revenu suffisant pour une existence décente. Trop nombreux-ses sont celles et ceux qui n’ont pas d’autre choix que le salariat, présenté comme la seule possibilité de pouvoir subvenir à ses besoins primaires : manger, boire, avoir un toit… Le revenu universel vise à opérer un renversement majeur : soumettre en priorité l’économique à des buts sociaux, et non l’inverse.
Dans cette optique, le chômage deviendrait un événement anecdotique de l’existence. Ainsi, un revenu universel assez élevé pour pouvoir vivre dignement a pour conséquence directe le renversement du rapport de force entre employé-e-s et employeur-se-s, ces premièr-e-s étant débarrassé-e-s de leur dépendance aux second-e-s. Ce chamboulement permettant de nouvelles négociations avec les entreprises qui ne peuvent qu’aboutir à une amélioration des conditions de travail, de l’environnement socioprofessionnel, la réduction du stress et des inégalités interprofessionnelles dues à la pénibilité pour les travailleurs.
Ne plus dépendre du salariat, c’est aussi donner à chacun-e la réelle liberté d’employer son temps, et ouvrir la possibilité de choisir de travailler moins pour vivre plus : s’engager dans une association, voir ses ami-e-s, sa famille, s’occuper de ses enfants, reprendre ou entreprendre des études, se consacrer aux arts ou à la culture… En bref, ne pas perdre sa vie à la gagner !
Il est toutefois capital de comprendre que tous ces choix de vie ouverts ne sont pas de l’oisiveté, mais bien une production de valeur pour la société. L’idéologie libérale a réussi le tour de force de réduire dans les représentations le travail à l’emploi salarié. Prendre soin de soi et de ses proches, participer activement à la vie de quartier ou au développement d’une association, effectuer les tâches courantes du quotidien a une réelle valeur sociale, non comptabilisée dans le PIB ; quel paradoxe que ces activités ne soient considérées comme du « travail » que dès lors qu’elles sont faites dans le cadre d’une entreprise ! Un revenu universel permet de jeter les bases d’un changement de représentations. Loin d’être une simple mesure technique, il entraînera bel et bien une transformation profonde de notre société, tant du point de vue socio-économique que politique. Il s’agit de rejeter le travail salarié comme mode unique de production, de socialisation et d’organisation symbolique de la société.
Financer le revenu de base
L’objectif des Jeunes Écologistes n’est pas de déterminer un montant de facto du revenu de base. Ce montant, fixe et alloué individuellement, doit être couplé à une refonte de notre système d’imposition, de notre rapport aux niches fiscales, et d’une taxe sur les transactions financières. Ce montant du revenu de base se substituerait avantageusement et parfaitement à certaines aides sociales aujourd’hui existantes et se financerait de la manière suivante.
La France octroie déjà des revenus déconnectés du travail qui prennent différentes formes (le RSA, les allocations familiales ou la prime d’activité…), mais qui n’ont pas pas le « statut » de revenu de base. Soumis à conditions, souvent injustes ou inconnues, 50% des ayants droits ne demandent pas le RSA en raison de démarches complexes. Ces revenus ne permettent pas l’émancipation des citoyen-ne-s par rapport au travail. En transférant ces nombreux et différents revenus existants dans un revenu de base, une partie importante du financement est assurée. Cet autofinancement est de l’ordre de 15 à 35% selon les économistes et leur vision d’un revenu de base (Mylondo, Monnier et Vercellone).
Par contre, les prestations dépendant du régimes assurantiel (allocations chômages, pensions de retraite…) et certaines prestations issues du régime assistanciel ( allocation pour les personnes en situation de handicap…) ne sont ni transférée au budget du Revenu de Base ni supprimées. Dans notre vision du Revenu de Base, l’ensemble des dépenses de l’Etat pour le respect des conditions d’attribution des aides et des critères d’attribution des aides sociales d’attribution des aides actuelles (RSA …) serraient supprimées. L’octroi de ce revenu étant automatique, les campagnes de mise en avant des droits des citoyen-e-s sont alors caduques. C’est une part du financement qu’il faut prendre en compte.
Le financement du revenu de base passera en partie par une réforme de notre fiscalité, et par la suppression de la plupart des niches fiscales. La suppression des niches fiscales, à l’exception des réductions d’impôts à visée environnementale (isolation des habitations, installation de panneaux photovoltaïques, …) ou sociale, permettrait également de financer en partie le revenu de base.
Nous nous sommes déjà exprimé-e-s en faveur d’une taxe sur transactions financières, appelé Taxe Tobin ou Taxes Keynes, et nous réaffirmons l’utilisation de cette taxe dans le financement d’un revenu de base. La finance dérégulée ne profitant en rien à l’économie réelle, taxer (même à un petit taux) les transactions financières permettrait de recentrer la monnaie dans une utilisation plus adéquate. Il apparaît cependant que financer un revenu émancipateur, libérateur, déconnecté du travail, en se basant sur les turpitudes du capitalisme est légèrement contradictoire. En effet, un financement sur les rêves de profit des traders n’est pas pérenne, dans la mesure où à long terme, ce système est amené à être repensé (voire supprimé).
En définitive, nous considérons que la réforme fiscale et le transfert d’aides existantes sont les principales sources de financement d’un revenu universel suffisant pour vivre.
Les Jeunes Écologistes souhaitent la mise en place d’un revenu de base pour tou-te-s, inconditionnel, sans contrepartie, individuel et au droit inaliénable. Cette idée a démontré sa faisabilité dans plusieurs pays et nous militerons pour la faire exister dans la société civile, afin qu’elle se concrétise. Afin de permettre l’émancipation de chacun vis-à-vis du salariat, d’éradiquer la pauvreté, et de repenser le travail, nous demandons sa mise en place immédiate
A travers de multiples visions, le revenu de base fait son chemin, et montre sa faisabilité. Cette mesure a déjà été testé dans divers pays, que ce soit en Europe ou ailleurs. Afin que notre vision du revenu de base soit perpétuée, celle-ci doit être discutée entre citoyens puis constituer un véritable pivot d’une société écologiste, durable et sociale.