Motion adoptée par l’assemblée générale d’août 2015, amendée par l’assemblée générale d’août 2016

La question de la laïcité est un sujet omniprésent dans le débat public depuis plusieurs années. Le principe de laïcité est très souvent instrumentalisé à des fins électoralistes, notamment en stigmatisant les musulmans. Il nous a donc semblé important, en tant que Jeunes Écologistes, partie prenante du débat public, de définir notre position sur la laïcité et la place des religions en France.

Depuis 1946, le principe de laïcité est inscrit dans la Constitution et la République y est définie comme laïque. Pourtant, rien dans la Constitution ne définit clairement ce qu’est la laïcité, les gouvernements successifs sont amenés à la définir et à en choisir les modalités d’application.

Depuis quelques années, la définition de ce que devrait être la laïcité en France a sensiblement évolué(1). Alors que la loi de 1905 parlait de séparation de l’État vis-à-vis des religions, on entend désormais parler de neutralité de l’État vis-à-vis des Églises. Contrairement à la précédente, cette nouvelle conception n’interdit pas toute action de l’État vis-à-vis des religions mais met en avant un principe de non-discrimination(2). Dans le même temps, deux visions de la laïcité s’opposent. La première argue que la laïcité est avant tout la garante des libertés religieuses des citoyens, libres de croire et de pratiquer ou non, et que l’exigence de neutralité ne s’applique qu’à l’État. La seconde voudrait voir cette neutralité appliquée non seulement à l’État mais aussi aux individus, arguant que chacun se doit d’effacer ce qui le différencierait de l’autre dans l’espace public.

Cette seconde vision de la laïcité nous semble particulièrement dangereuse. C’est au nom de celle-ci qu’ont été prises depuis plusieurs années des mesures liberticides et discriminatoires envers des citoyen-ne-s en raison de leurs croyances ou de leurs pratiques religieuses.

Comme défini dans la Convention Européenne des droits de l’Homme, les Jeunes Écologistes défendent le droit de toute personne à  « la liberté de pensée, de conscience et de religion » ce qui implique  « le droit de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

Les Jeunes Écologistes s’opposent à toute mise en œuvre discriminante ou inégalitaire du principe de laïcité, que ce soit dans l’enseignement, dans l’exercice des cultes, dans les services publics ou dans les entreprises.

Les Jeunes Écologistes défendent le principe de la neutralité de l’État vis-à-vis des religions : cette neutralité doit s’entendre comme une égalité de traitement entre toutes les religions dans les politiques publiques qui sont menées.

A la vision d’un espace public sans religion, les Jeunes Écologistes préfèrent celle d’un espace public pluriconfessionnel, riche de la diversité religieuse et spirituelle des individus.

1. Pour une mise en œuvre égalitaire et émancipatrice du principe de laïcité

La loi de 1905 réitère dans son article 1 la liberté de conscience et la liberté de culte. Certains amendements qui voulaient bannir la soutane et autres vêtements religieux de l’espace public ont été rejetés, la loi de 1905 garantit donc la liberté de manifester sa religion dans l’espace public.

Pourtant, depuis plusieurs décennies, diverses mesures sont venues restreindre cette liberté.

La loi la plus emblématique est la loi de 2004 qui interdit les  « signes ostentatoires d’appartenance religieuse » dans les établissements d’enseignement public. L’application de cette loi a notamment conduit à l’interdiction pour les élèves qui souhaitent porter un voile ou une kippa au sein de leur établissement à accéder à leurs écoles, collèges ou lycées. Ces restrictions à la liberté religieuse sont en réalité bien plus nombreuses.

Ces dernières années, divers lois, décrets, circulaires ou arrêts du Conseil d’État ont amené à ce que l’exigence de neutralité religieuse, qui s’appliquait uniquement à l’État, soit progressivement étendue aux agents de l’État, des services publics, qu’ils soient en contact avec le public ou non(3), puis aux usagers des services publics (élèves des écoles, parents accompagnant les sorties scolaires)(4), aux agents des entreprises privées répondant à un appel d’offres (cantines, nettoyage..) et enfin à tous les employés des entreprises dont le règlement intérieur l’imposerait(5). Alors que la loi de 1905 rappelait la liberté religieuse des individus et la neutralité religieuse de l’État, ces évolutions ont amené à appliquer la neutralité religieuse aux individus, au détriment de leur liberté religieuse.

Une telle conception de la laïcité est non seulement liberticide, mais aussi profondément discriminatoire. Elle vise à ce que les citoyen-ne-s soient traité-e-s de manière différente et inégalitaire en fonction de critères que nous jugeons illégitimes : la religion et la pratique de celle-ci. Dans les faits, la loi de 2004 conditionne les garçons qui portent la kippa ou les filles qui portent le voile à l’enseignement public, et peut amener les familles à recourir à l’enseignement privé ou à l’enseignement à distance.

L’application de cette conception de la laïcité à l’université ou au monde du travail irait à l’encontre du droit à l’éducation et du droit au travail.

Les femmes portant le voile étant les plus souvent concernées par ces mesures, cette conception de la laïcité va aussi à l’encontre de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, en excluant les femmes voilées de l’exercice de certaines de leurs libertés

Enfin, d’autres mesures comme la fin des menus de substitution dans les cantines vont à l’encontre du principe constitutionnel d’égalité devant le service public en excluant certains enfants du service public de la cantine.

Les Jeunes Écologistes défendent :

– l’abrogation de la loi de 2004

– la révision des règles concernant les signes religieux s’appliquant aux fonctionnaires (des règles spécifiques aux différents corps et missions de la fonction publique seront à définir notamment en accord avec les représentants syndicaux),

– le respect des libertés religieuses sur le lieu de travail dans le secteur privé. L’interdiction de certains vêtements ne doit notamment être possible que lorsque la tâche à effectuer le requiert (sécurité dans l’industrie, entreprises de conviction…),

– l’application des lois pénalisant toute pratique de recrutement, de management ou de promotion qui aboutirait à une discrimination en fonction d’un critère religieux ou de pratique religieuse,

– la systématisation des menus de substitution végétariens dans les cantines.

2. Des lieux de cultes décents et accessibles, garantie du droit de chacun-e à pratiquer sa religion

La loi de 1905 a fait des communes les propriétaires des principaux édifices de cultes chrétiens et juifs et les a autorisées à mettre ces édifices à disposition des associations religieuses. Elle a aussi autorisé les communes à financer les travaux nécessaires à leur conservation.

Pourtant, l’actualité a montré que de nombreux édifices religieux menaçaient de tomber en ruines, faute de financement des collectivités. Il nous semble important que les collectivités locales aient la possibilité de continuer à entretenir les édifices religieux en France.

Par ailleurs, il existe une inégalité entre les cultes qui étaient installés au moment de la loi de 1905 et ceux dont le nombre de pratiquants a augmenté ces dernières décennies, notamment l’Islam ou l’Évangélisme. Ceci aboutit à une pénurie de lieux de culte pour ces religions que le seul financement des fidèles ne peut combler. Il est de la responsabilité de l’État et des collectivités territoriales de remédier à ces problèmes de financement afin de garantir le droit de chacun-e à pratiquer sa religion.

Aujourd’hui, les collectivités territoriales ont d’ores et déjà la possibilité de mettre à disposition des associations religieuses des lieux de culte. Certaines villes ont même construit des lieux spécifiques, dont elles demeurent propriétaires, et qu’elles mettent en partie à disposition des associations religieuses (salle de prière de la Goutte d’Or à Paris par exemple). Les collectivités locales peuvent aussi faciliter la construction de lieux de culte en vendant ou en louant des terrains aux associations religieuses.

Nous défendons ces types de mesures qui peuvent être un moyen de remédier au problème du manque de lieux de culte sans pour autant que les associations religieuses soient subventionnées par l’État et/ou par les collectivités locales.

Les Jeunes Écologistes défendent :

– l’autorisation pour les communes de mettre à disposition des lieux de culte pour les associations religieuses qui en feraient la demande,

– le fait que la loi garantisse le traitement égal de l’ensemble des associations religieuses par les pouvoirs publics.

3. L’enseignement privé confessionnel

L’enseignement privé confessionnel concerne près d’un enfant sur cinq en France. Les Jeunes Écologistes demeurent attaché-e-s à la liberté pour les parents de choisir de scolariser leurs enfants dans des établissements publics ou privés.

Pourtant, il nous semble important que le fait d’inscrire ses enfants dans un établissement privé soit le fruit d’un vrai choix et pas d’un choix par défaut. Pour ce faire, il est important de garantir un important maillage du territoire par les établissements publics avec un objectif de proximité. L’enseignement public doit aussi être le plus accueillant possible vis-à-vis des enfants sans distinction en fonction de leur religion.

Les pouvoirs publics participent aujourd’hui largement au financement de l’enseignement privé via le recrutement des enseignant-e-s dans les établissements sous contrat et via des subventions de fonctionnement ou d’investissement. Il arrive que ces importantes subventions aient pour conséquence de creuser encore plus les inégalités sociales entre les élèves. Afin de garantir l’égalité entre tous les enfants, les pouvoirs publics doivent veiller à une répartition équitable des financements entre les établissements publics et privés et entre les différents établissements privés.

De même, l’État doit amorcer une réflexion quant au recrutement des enseignants des établissements privés sous contrat afin de le rapprocher de celui des enseignant-e-s du public.

Les Jeunes Écologistes défendent :

– la liberté de choisir le type d’enseignement pour ses enfants (privé/public, confessionnel/laïc)

– une gestion des enseignants et des finances publiques qui vise l’égalité entre tou-te-s les élèves.

4. Vers une société riche de la diversité religieuse et spirituelle, débarrassée des discriminations et des préjugés

Les partisans de l’interdiction des signes religieux avancent qu’il est nécessaire de bannir l’expression d’une différence (religieuse en l’occurrence) de l’espace public afin de permettre le vivre-ensemble et l’intégration de tou-te-s dans la société.

Nous contestons cette vision. Ce n’est pas en obligeant certaines personnes à cacher leurs croyances, en les rendant honteuses, que l’on favorise le vivre-ensemble. Cela entretient, au contraire, la méconnaissance de l’autre et même la peur ou la haine.

Nous voulons une société fière de la diversité des individus qui la composent et où chacun-e se sent libre d’exprimer publiquement ses croyances, de quelque ordre qu’elles soient.

Nous pensons que le meilleur moyen de favoriser le vivre-ensemble est de lutter contre toute forme d’exclusion ou de discrimination au sein de la société, de garantir le dialogue et la connaissance interculturelle.

Les discriminations religieuses recoupent aujourd’hui très souvent les discriminations raciales ou ethniques et il nous semble important de mettre en place une politique globale et ambitieuse de lutte contre les discriminations, qui permette à chacun-e de se sentir pleinement citoyen-ne. Il est important que les Jeunes Écologistes lancent une réflexion concernant les moyens de lutter contre les discriminations.

Cette politique de lutte contre les discriminations doit aussi s’accompagner d’une politique de lutte contre les préjugés. L’Éducation nationale a un rôle central à jouer, notamment via l’enseignement laïc du fait religieux. En renforçant un socle commun de connaissances sur les principales religions et sur le principe de laïcité, cet enseignement garantira le respect des convictions de chacun-e (croyant-e, agnostique ou athé-e) mais également des valeurs communes qui nous permettent de faire société.

Attaché-e-s au principe d’égalité nous plaidons pour que l’Islam soit intégré au régime concordataire d’Alsace-Moselle afin que la religion musulmane jouisse des mêmes droits que le judaïsme, le protestantisme et le catholicisme. Cette décision, amenant la création d’une faculté de théologie musulmane à l’Université de Strasbourg, nous semble également opportune car elle permet une meilleure formation des personnes amenées à officier en France.

Les Jeunes Écologistes défendent :

– une véritable politique de lutte contre les discriminations raciales, ethniques et religieuses

– le renforcement de l’enseignement laïc du fait religieux à l’école

 

(1) : Lire La Laïcité Falsifiée, Jean Baubérot et L’affaire Baby Loup ou la Nouvelle Laïcité de Stéphanie Hénette-Vauchez et Vincent Valentin.

(2) la décision qui fait date est celle du Conseil d’État le 11 juillet 2011 : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Le-Conseil-d-Etat-precise-l-interpretation-et-les-conditions-d-application-de-la-Loi-du-9-decembre-1905-concernant-la-separation-des-Eglises-et-de-l-Etat

(3) https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/537_19_25763.html

(4) Loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires, Charte de la laïcité dans le service public de 2007 (http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_laicite.pdf), Circulaire Chatel de 2012 http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59726

(5) Voir L’affaire Baby Loup ou la charte de la laïcité du groupe Paprec http://www.paprec.com/fr/groupe/ressources-humaines/charte-laicite-diversite

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