L’annonce récente par Emmanuel Macron de la mise en place de la gratuité des préservatifs externes pour les moins de 26 ans constitue une avancée qui mérite d’être saluée. Elle est un premier pas vers une véritable amélioration dans la lutte contre le VIH/Sida et les IST chez les jeunes. Elle ne doit malgré tout pas être une mesure qui cache une réalité bien moins positive et un contexte de menace des acquis actuels.

Le bilan de la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité au sein des établissements scolaires est alarmiste : l’objectif de trois séances annuelles de deux heures dans le premier et le second degré1 est loin d’être respecté. Alors que 10% des moins de 15 ans ont déjà eu un rapport sexuel et que les moins de 26 ans sont surreprésentés parmi les patient·e·s d’IST dépisté·e·s2, il est urgent que l’Éducation nationale applique sa mission. Outre les objectifs de nombre, le programme de ces séances d’éducation délaisse les questions portant sur la diversité des sexualités ainsi que celles liées aux violences sexistes et sexuelles. Il est nécessaire de prendre en compte la lutte contre l’homophobie et la transphobie, la sensibilisation aux conséquences des discriminations sur la santé des personnes concernées. Il le faut également concernant les violences sexistes et sexuelles, alors que 83% des enseignant·e·s disent n’avoir jamais reçu de formation sur le harcèlement3.

Ces faibles acquis sont également attaqués de toute part, de l’extrême-droite à Emmanuel Macron, en passant par une droite de plus en plus réactionnaire. Cet affront réactionnaire n’a de cesse de dépeindre l’éducation à la sexualité en hydre à abattre, représentant une prétendue « propagande LGBT » qui n’aurait « pas sa place à l’école »4. Le Président lui-même, lors de la campagne présidentielle de 2022 s’était dit « défavorable à ce que [les questions de genre et d’orientation sexuelle] soient traitées à l’école primaire » et « sceptique sur le collège »5. Des attaques qui résonnent à l’international et font écho à la loi « Don’t Say Gay » de Floride6 ou au « Laissez nos enfants tranquilles » de Viktor Orban5. Nous devons combattre ces coups de boutoirs répétés pour préserver l’acquis et défendre les avancées, d’autant plus au regard de la réalité des discriminations dans le milieu scolaire, en particulier au collège. En effet, l’ONDES estime que 32% des élèves LGBTQIA+ sont harcelé·e·s au sein du primaire, et que un sur deux l’est au collège8.

En dehors des établissements scolaires, ces enjeux de prévention ne doivent pas être oubliés : la mise en place de campagnes d’information nationales est un élément essentiel à la lutte contre le VIH/Sida, les IST et les violences sexistes et sexuelles.

Depuis 2019, la crise du Covid-19 a eu un impact négatif sur le nombre de dépistages réalisés : une épidémie en cache une autre. Le nombre de sérologies VIH avait chuté de 13% entre 2019 et 2020 et en 2022 son nombre reste toujours intérieur à celui de l’avant Covid9. Cela entraîne une plus grande exposition au virus, en particulier pour les personnes en marge du système de santé. Or la lutte contre les IST et le VIH/Sida ne se fait pas sans les marginalisé·e·s du système de santé : cela passe par la lutte contre la stigmatisation par les professionnel·le·s de santé des personnes LGBTQIA+ et des travailleur·euse·s du sexe. De plus, cette politique d’inclusion ne peut se faire sans prise en compte des discriminations sociales en dehors de la sphère médicale. Enfin, l’accompagnement des migrant·e·s et des personnes sans domicile doit être amélioré. 

Cette politique d’accessibilité aux dépistages et aux soins ne peut se faire sans une ouverture du remboursement total des préservatifs externes et internes – y compris aux modèles sans latex, matière allergisante –, et des dépistages sans ordonnance par la Sécurité sociale. Elle ne peut se faire non plus sans considérer les risques sanitaires liés aux autres difficultés. La précarité menstruelle connaît des enjeux de santé identiques à ceux liés à la lutte contre les IST et le VIH/Sida ; le combat doit se faire par une approche croisée et par les mêmes objectifs du remboursement complet des protections périodiques pour tous·tes. En effet, 1,9 million de femmes sont victimes de cette précarité menstruelle en France. 

Enfin, il est nécessaire de considérer ce combat comme étant également international, qui demande des politiques intégrées dans un cadre communautaire et mondial.

1 :  Objectif défini à l’article L. 312-16 de la Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001.

2 :  Bulletin de santé publique, déc. 2022. Surveillance du VIH et des IST bactériennes, (Santé Publique France). https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/487507/3687514?version=3

3 :  Scheffer Nicolas, Si l’Education nationale adopte des mesures. Têtu. 12/2021 (N°229)

4 :  Eric Zemmour, interview Konbini

5 :  Propos prononcés lors d’une interview à Brut. 

6 :  Loi qui restreint la possibilité de parler des LGBTQIA+ à l’école

7 :  Propos rapportés par l’AFP.

8 :  Rapport d’étude n° 22-03, Le harcèlement scolaire à l’encontre des LGBTQ+ https://mission-egalite.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/contributeurs/Mission-egalite/Travaux_de_recherche/ONDES_WP_22_03.pdf

9 :  Bulletin de santé publique, déc. 2022. Ibid.

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