La réforme des collectivités territoriales doit être adoptée mercredi 17 novembre à l’assemblée. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, choisi pour l’élection des conseillers, fait perdre tout espoir aux plus jeunes candidats, regrette Rémi Guerber, ancien secrétaire fédéral des Jeunes Verts, militant Europe Écologie Les Verts.
Les discours de Rama Yade, Benjamin Lancar et des membres de la majorité, qui déclarent que la jeunesse et l’éducation sont les nouvelles priorités du gouvernement, ne peuvent pas faire illusion face au déficit d’action. Les lycéens et étudiants, en descendant massivement dans la rue contre la réforme des retraites, ont envoyé un signal au gouvernement, qui leur répond en les traitant de manipulés, d’irresponsables. Le fossé creusé par le gouvernement est devenu une vraie fracture, qui sépare les jeunes de la politique.
A ce jeu là, pas de gagnant
A ce jeu-là, pas de gagnant. Ni les jeunes, qui s’éloignent du vote et se sentent toujours plus impuissants face aux décisions prises par les institutions politiques ; ni le Président de la République, qui continue de battre des records d’impopularité ; ni l’opposition, qui souffrira de cet éloignement autant que la droite. Nous sommes enfermés dans une logique d’affrontement entretenue par un gouvernement qui néglige sa jeunesse.
Par la réforme des collectivités territoriales, le gouvernement franchit une nouvelle étape dans cette fracture en confisquant le pouvoir aux jeunes. Des voix s’élèvent pour revendiquer le respect d’une certaine diversité, mais le gouvernement s’enferme dans un mutisme devenu sa marque de fabrique. Après son adoption au Sénat le 9 novembre dernier, l’Assemblée valide à son tour cette réforme aujourd’hui, et avec elle le nouveau mode d’élection des conseillers territoriaux : le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, avec un seuil de qualification fixé à 12,5% des inscrits.
Ce mode de scrutin, semblable à celui des élections cantonales, induit la fin de la représentation des jeunes dans les institutions politiques régionales. Les 18-35 ans ne représentaient que 3,7% des élus aux élections cantonales de 2004, et 2,9% en 2008 (1). Le scrutin de liste encourageait les partis politiques à former des listes cohérentes, y faisant figurer des candidat-e-s aux profils divers pour atteindre une bonne représentativité de la société française. En abandonnant ce mode de scrutin, c’est le dernier rempart raccrochant encore les jeunes à la politique qui tombe. Car cette réforme, en plus de porter atteinte au pluralisme politique et à la parité, met fin à ce mécanisme qui avait pu, lors des élections régionales de 2004, faire élire 8,2% de 18-35 ans. Ce chiffre, qui ne représente pas un élu sur 10, nous paraissait déjà bien bas.
Pas dupe
Pourtant, une relation de confiance entre les institutions politiques d’un pays et sa jeunesse est possible. La génération des futurs primo votants de 2012 n’est pas dupe. Recevant par les réseaux sociaux un flux considérable d’informations, elle sait se faire une idée sur des promesses et sur un programme. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard si seulement 42% (2) des 18-24 ans avaient fait confiance à Nicolas Sarkozy en 2007. Les programmes des partis de gauche et écologistes devront donc apporter des solutions crédibles et efficaces aux questions liées à la jeunesse, de l’éducation au chômage, en passant par l’insertion professionnelle et l’autonomie. Ces solutions existent, les mouvements de jeunesse et partis politiques de gauches n’ont pas attendu la sortie du livre de Rama Yade pour y réfléchir. Reste désormais à politiser le débat et confronter les points de vue des partis politiques avec les premiers concernés. Alors que le gouvernement ferme la porte aux jeunes, c’est au reste des forces politiques de leur fournir un porte-voix. Si les partis de gauche et écologistes ne le font pas, le Front National s’en chargera.
Rémi Guerber
(1) Source Assemblée Nationale
(2) Source IPSOS