Jeunes Ecologistes, adhérents ou coopérateurs d’Europe-Ecologie Les Verts et simples citoyens avaient rendez-vous au café-librairie le Papier Timbré à Rennes ce vendredi 13 mai. Au programme, une rencontre avec Jean-Pierre Leroy autour des enjeux écologistes au Brésil. Une rencontre riche d’enseignements !


Etant lui même militant associatif en faveur des droits humains et de la préservation de l’environnement, Jean-Pierre Leroy a évoqué les grandes problématiques que traverse aujourd’hui son pays dans son rapport à l’écologie. Ainsi, le Brésil présente des exemples éclatants du fait que la nature, y compris sauvage, a besoin des communautés humaines pour être entretenue, aménagée, enrichie… Et inversement : les communautés humaines sont profondément liées à la nature dans leur pérennité.

La vision très étroite de l’environnement qui domine aujourd’hui sous la forme du « développement durable » n’est malheureusement pas propice à cet équilibre. La nature n’est pas une marchandise… Or, de nombreux acteurs politiques et économiques cherchent aujourd’hui à chiffrer et monétariser les services prodigués par les milieux naturels. Il paraît pourtant absurde que la forêt soit marchandisée au prétexte qu’elle soit un puits à carbone.

Au-delà de ces questions, le Brésil est aujourd’hui confronté à plusieurs phénomènes :

Le poids de l’agrobusiness, d’abord. Le développement agricole s’effectue principalement au bénéfice des grandes propriétés (latifundium), au détriment des petits paysans sans-terre et de la surface forestière, qui recule. La recherche privée et publique est orientée vers l’élaboration de nouvelles espèces de semnces résistantes à l’humidité (soja notamment), ce qui a pour effet d’accélérer la déforestation. La culture de la canne à sucre croît au prétexte du développement des biocarburants, présentés comme la nouvelle panacée de l’économie verte. Bref, le « développement durable », et même l’étiquette « bio », sont les nouvelles cautions de la concentration des terres entre quelques mains. Par ailleurs, les cultures les plus destructrices se développent, comme l’eucalyptus, qui appauvrit et assèche les sols, n’arrangeant pas la destruction déjà bien avancée de la forêt primaire…

L’énergie, ensuite. Là aussi, le paradigme du « développement durable » fait des ravages : les énergies renouvelables s’accroissent au prix de conséquences environnementales non négligeables. Les barrages hydroélectriques se multiplient, inondant les terres, détruisant les écosystèmes et forçant les populations à l’exil (1,2 million de déplacés selon les estimations !), tout cela pour alimenter en électricité l’industrie et le secteur de la sidérurgie. L’installation d’éoliennes est imposée par les grands groupes économiques, sans aucune prise en compte de l’écosystème naturel et humain des milieux d’implantation, et privent les pêcheurs de leur activité, détruisent les dunes…

La surexploitation des minerais est également problématique. Le Brésil est un gros extracteur de fer ; une nouvelle usine sidérurgique s’est récemment installée près de Rio, ses émissions polluantes ayant un impact énorme sur la santé des populations alentours. Dans le nord du pays, ce sont les usines d’aluminium qui se développent, très consommatrices d’énergie, justifiant ainsi la multiplication des barrages hydroélectriques. L’exploitation des filons de minérai contribue également à la déforestation, et peu à peu, à la prédation des terres des communautés indigènes. Ces exemples démontrent le lien entre l’exploitation des sous-sols et la croissance des dégâts environnementaux, renforçant de ce fait la nécessité de réduire notre consommation de ressources naturelles mais aussi d’énergie.

La question urbaine, enfin. Au Brésil, ce sont les villes qui souffrent le plus du dérèglement climatique : l’approvisionnement en eau devient difficile, les précipitations causent des inondations et des glissements de terrain… dont la gravité est multipliée par l’exode rural et l’installation des nouveaux pauvres dans des favelas en marge des villes, sur des terrains peu stabilisés.

Des dynamiques positives permettent pourtant de garder espoir. En 1992, le sommet de la Terre à Rio a constitué un déclic au Brésil. Les préoccupations de développement et d’environnement sont apparues comme devant aller de pair pour différents groupes qui, depuis, travaillent ensemble, même s’ils ne se définissaient pas comme « écologistes » auparavant. Environnementalistes, féministes, quilombolas (communautés rurales de descendants d’esclaves) ont désormais compris la convergence de leurs combats. Le mouvement d’agroécologie se développe tant bien que mal autour d’une approche globale de l’agriculture, associant par exemple les questions de nutrition à celle de l’autonomie alimentaire (à l’échelle du pays mais aussi des communautés locales). Ces initiatives contredisent le système des monocultures et du commerce international du « bio » et tendent à démontrer que les solutions écologistes sont d’ores et déjà réalistes… Le défi est aujourd’hui d’étendre cette dynamique à la société urbaine, où les questions écologiques rencontrent trop peu d’écho.

Au niveau politique également, le parti Vert, malgré des hésitations stratégiques, pèse toujours plus lourd : Marina Silva, la candidate écologiste, a représenté 19% des suffrages à la dernière élection présidentielle.

Jean-Pierre Leroy (au milieu à gauche) et les Jeunes Ecologistes de Rennes.

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