Tribune parue dans le Nouvel Obs le 5 décembre 2014, co-signée par Lucas Nédélec et Laura Chatel
Des fous… Il fait 5 degrés. Parfois, il pleut, ou il vente. Pourtant, ils et elles sont là, en maillot de bain, la peau directement exposée aux attaques de l’hiver. Des tracts dans la main. De l’espoir dans la tête. Et de la rage dans le cœur.
Ces fous, ce sont nous, les jeunes écologistes. Nous descendrons dans la rue, dévêtus, un peu partout en France en ce début du rude mois de décembre, pendant qu’à l’autre bout du monde, à Lima, se déroulera le sommet climatique de la COP20. Notre motivation est simple : il y a urgence, nous devons sauver notre climat.
On se dévêt pour illustrer le dérèglement climatique
Se dévêtir, c’est déjà parler du fond du problème. La planète se réchauffe. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a revu à la hausse ses prévisions d’augmentation de la température moyenne mondiale d’ici 2100. Avec à la clé un ensemble de conséquences désastreuses : les phénomènes climatiques extrêmes – qu’ils soient sécheresses ou ouragans – vont dangereusement s’accentuer.
Alors nous enlevons nos pulls et nos pantalons, pour mieux signifier la réalité du dérèglement climatique qui a déjà commencé, frappant ici ou là les plus vulnérables d’entre nous.
Se dévêtir, c’est aussi interpeller. Les citoyens croient de moins en moins en la politique. Noyés dans l’accélération de la vie quotidienne, les injonctions de la société de la consommation, la peur de l’inconnu, ils et elles ne trouvent plus le temps de s’arrêter et de penser à demain. Notre nudité les interpelle, le temps d’une discussion, d’un sourire, ou d’un échange de tract. Elle est un doigt d’honneur à ceux qui voudraient nous endormir. Elle est aussi un éclat de rire lancé dans la morosité politique ambiante.
Nous n’avons qu’une seule planète, qu’un seul corps
Se dévêtir, c’est enfin résister. Résister par notre vulnérabilité et notre espoir mêlés. Nous n’avons qu’une seule planète. Et comme seules armes, nos idées, nos actions et la peau nue qui nous sert d’enveloppe.
En face, les lobbies sont puissants, organisés et mus par des enjeux économiques immenses. Ces lobbies préféreraient que rien ne bouge, ou si peu, juste en surface pour préserver les apparences. Nous refusons de voir ces intérêts particuliers passer devant l’intérêt commun, celui d’un changement de modèle par la transition écologique.
Alors, nous nous dévêtons, pour mieux signifier que nous, les fameuses générations futures, n’avons que la valeur de nos vies à opposer à la valeur de leurs comptes en banques et de leurs courbes de croissance.
Les fous ne sont pas ceux que l’on croit
Et si, finalement, les fous n’étaient pas ceux que l’on croit ? Si remettre en cause notre modèle de développement et nos modes de vie était terriblement pragmatique face à l’impasse dans laquelle nous nous dirigeons ? La valse des chefs d’États bien pensants, les discours ampoulés à la tribune, puis l’absence d’actes concrets et le greenwashing permanent…
Ne serait-ce pas cet aveuglement, la vraie folie de notre époque ?
Nous n’avons pas tous la capacité d’exprimer intelligiblement nos idées, de prendre le temps de militer, de financer des campagnes pour se faire entendre. Mais nous pouvons tous faire ce geste simple : se dévêtir, enfiler un maillot de bain (ou pas), et opposer à la puissance des conservatismes la simplicité de notre appareil.
Nous verrons bien alors qui seront les fous.
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