Avant propos :
En 2015, les Jeunes Écologistes votaient une motion thématique intitulée “Pour une laïcité sans discrimination !”1. Elle défendait une laïcité fidèle à la loi de 1905, émancipatrice et outil de concorde, ainsi qu’une société multiconfessionnelle forte de sa diversité. La motion ci-après se veut être dans la continuité de la motion votée en 2015.
I. La laïcité comme pilier d’un projet de société
La laïcité, ce principe constitutionnel instrumentalisé sans gêne
L’article premier de la Constitution de la Vème République évoque la laïcité comme un pilier républicain à travers les mots suivants : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale”2. Pourtant, le principe de laïcité que la célèbre loi de 1905 établit est de plus en plus instrumentalisé, pour devenir un outil politique et un argument pour justifier des politiques discriminantes.
Présent dans l’actualité et les médias de manière très régulière, le principe de laïcité est souvent au cœur de polémiques, issues de la manipulation de ce principe fondateur. Le dernier exemple en date est l’interdiction du port de l’abaya et du qamis pour les élèves de l’enseignement public, annoncée par Gabriel Attal. Fin août 2023 et à l’approche de la rentrée, le nouveau ministre de l’Education Nationale, à la recherche de son premier coup d’éclat, déclarait que le port de l’abaya et du qamis à l’école était “un geste religieux, visant à tester la résistance de la République sur le sanctuaire laïc que doit constituer l’école”3. Dans la continuité de la loi du 15 mars 2004 interdisant les vêtements religieux ostensibles4 dans les établissements d’enseignement publics, le ministre instrumentalisait le principe de laïcité à des fins politiciennes, discriminant au passage les jeunes musulman·es, et en majorité les jeunes femmes musulmanes, dans un contexte de forte islamophobie. Il est important de rappeler que cette décision islamophobe est également sexiste, car portant atteinte une nouvelle fois à la liberté de se vêtir des jeunes femmes. De plus, la décision de Gabriel Attal participe à l’exclusion et la mise à l’écart des jeunes musulman·es au sein de l’École publique.
D’autres décisions politiques illustrent l’instrumentalisation de la laïcité et une grande confusion autour de ce principe. Prenons l’exemple de l’installation de crèches chrétiennes dans des bâtiments publics, notamment des mairies dans des communes dirigées par l’extrême-droite, ce qui va complètement à l’encontre de l’idée d’une République laïque et de la loi de 19055.
L’instrumentalisation régulière du principe de laïcité et son utilisation comme un outil politique participe à visibiliser les idées de droite et d’extrême-droite dans le débat public et politique. Ces idées, fondées sur des stéréotypes et des amalgames révoltants, divisent les citoyen·nes du pays, créent de la défiance, et participent à développer des imaginaires haineux et xénophobes.
Faire société avec, et non pas contre ou sans les religions
Pourtant, le principe de la laïcité défendu dans la loi de séparation des Églises et de l’État adoptée en 1905 est une des clés de voûte de la République française. Pour rappel, cette loi, portée par Aristide Briand, intervient dans un contexte de forte tension entre les Églises et l’État. Son objectif était alors de dessiner de nouvelles relations entre l’État et les cultes, relations fondées sur une indépendance de l’un à l’autre, une séparation claire de leurs pouvoirs respectifs, et la fin de l’influence des Églises dans les politiques publiques. La loi de 1905 garantit la liberté de conscience et de culte de chaque citoyen·ne dans le respect de l’ordre public, l’égalité de toustes devant la loi, la séparation des Églises et de l’État et donc la neutralité de l’État et de ses agent·es.
L’enjeu était alors non pas de couper tout échange entre ces entités mais bien d’en délimiter le cadre. Comme le rappelle l’Observatoire de la laïcité, “la laïcité, ce n’est pas une conviction ou une opinion mais le cadre qui les autorise toutes”6. Il s’agit donc de faire société avec les religions, et non pas sans ou contre ces dernières.
Une laïcité d’ouverture au coeur du projet de société que doit porter la gauche écologiste
La loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 doit rester une boussole pour la gauche écologiste. Trop longtemps, la gauche a été accusée de ne plus se préoccuper de ce principe essentiel de liberté. Dans le même temps, la droite et l’extrême-droite, elles, ne se privent plus d’instrumentaliser la laïcité pour servir leur agenda politique, revendiquant une “laïcité de combat” qui impose les rites de la religion catholique à la sphère publique au nom de la tradition et confine toute trace de la religion musulmane au domicile et à l’intime. La laïcité d’Aristide Briand défendait la liberté de toustes, la tolérance et la paix. Les conservateur·rices s’en sont servi·es pour diviser, discriminer, accuser, stigmatiser. Il est temps que la gauche se réapproprie la laïcité en la plaçant au cœur de son projet de société.
Nous avons le devoir de lutter contre les usages politiques et discriminants du principe de laïcité. Cette valeur centrale ne peut plus être utilisée pour diviser la population sur de faux problèmes, mais doit être le ciment d’une République portée et défendue par ses citoyen·nes. C’est un outil de cohésion nationale, d’ouverture, de concorde, un outil qui permet la coexistence des cultes au sein de notre République laïque. La laïcité ne doit pas restreindre certaines libertés mais permettre d’en acquérir de nouvelles.
Défendre le principe de laïcité doit s’accompagner d’une lutte contre les discriminations liées aux religions. La laïcité défend une manière de vivre ensemble et la haine d’une religion et/ou des personnes croyantes est incompatible avec le principe de la laïcité que nous défendons.
Pour un respect clair de la séparation entre l’État et les Églises
Pour une neutralité claire des élu·es de la République, à commencer par la·e Président·e de la République
Nous sommes attaché·es à la séparation claire entre l’Etat et ses représentant·es d’une part, et les différents cultes et ses représentant·es, croyant·es et pratiquant·es d’autre part. Fidèles à la loi de 1905, nous défendons le fait qu’aucune différence de traitement, qu’il soit favorable ou discriminant, ne doit exister de la part de l’État vis-à-vis des différents cultes. De nombreux progrès restent à faire sur ce point, notamment dans un contexte de grande confusion autour du principe de laïcité. La·e Président·e de la République se doit d’être la·e plus parfait·e représentant·e de la laïcité de l’Etat. Aujourd’hui, l’occupant·e du Palais de l’Elysée bénéficie encore de titres et privilèges religieux datant des rois de France7. De manière à garantir un respect clair du principe de la laïcité, il est indispensable que la·e Président·e de la République ne bénéficie plus de ces titres de manière officielle.
Pour continuer, et car la République française est laïque, il ne doit pas être possible de rendre hommage de la Nation à des personnes défuntes dans des lieux de culte. Ces hommages doivent être rendus dans des lieux sans connotation religieuse pour garantir la neutralité de l’Etat.
En ce sens, il doit être impossible pour des élu·es de la République de participer à des cérémonies religieuses dans l’exercice de leur fonction, sauf dans des situations exceptionnelles. Un mandat d’élu·e de la République, quel que soit le niveau de responsabilité ou l’échelle territoriale, s’inscrit dans le cadre de la loi de 1905 et aucun abus ne doit être toléré. Il en va de la confiance des administré·es envers leurs élu·es et envers la République.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- La fin des titres et distinctions religieuses pour la·e Président·e de la République
- La fin des hommages de la Nation à des personnes défuntes dans des lieux de culte et des cérémonies d’hommage officiel dans des lieux de culte.
- L’interdiction pour les élu·es de la République d’assister, dans le cadre de leurs fonctions, à des cérémonies religieuses, à l’exception des cas où ces élu·es souhaitent exprimer la solidarité de la République à l’égard de la population croyante concernée suite à un événement de nature exceptionnelle de par son ampleur ou sa gravité.
Pour un retour de l’Observatoire de la laïcité
Aussi, la République et ses élu·es doivent être capable de faire leur autocritique du point de vue de la laïcité. La présence d’organismes indépendants fournissant des avis et rapports pertinents et élaborés sur les enjeux de laïcité est essentielle.
En 2007, le Président Jacques Chirac créait l’Observatoire de la Laïcité dans l’objectif de veiller au respect de ce principe constitutionnel et de lutter contre les dérives et les abus qui pourraient avoir lieu. Nous saluons le travail de cet Observatoire qui a su proposer à travers ses rapports, une vision claire et éclairée de la situation de la laïcité en France, parfois à contre-courant des récits médiatiques que les conservateur·rices cherchaient à imposer. En 2021, Jean Castex et Marlène Schiappa décidaient de fermer l’Observatoire de la laïcité et de clore les missions de son équipe avec l’aval d’Emmanuel Macron. Nous sommes dans un contexte de forte confusion autour du principe de la laïcité. Les abus et instrumentalisations se multiplient. Fermer cet Observatoire était une erreur. Nous appelons à la réouverture d’un organisme officiel chargé de veiller au suivi du respect et à la promotion de la laïcité dans le pays. Nous saluons l’engagement de l’équipe de la Vigie de la laïcité, organisme associatif indépendant qui se donne notamment pour mission de veiller au respect de la laïcité de 1905 dans notre pays8.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- La réouverture d’un organisme officiel indépendant chargé de veiller au respect et à la promotion de la laïcité de 1905, doté de moyens suffisants pour effectuer un travail approfondi de suivi et de veille, d’accompagnement des élu·es et des fonctionnaires sur la question de la laïcité.
Pour un calendrier républicain laïc
Enfin, une République ne peut être laïque sans un calendrier laïc. Aujourd’hui, six des onzes jours fériés en place en France métropolitaine sont des fêtes chrétiennes catholiques (Lundi de Pâques, Jeudi de l’Ascension, Lundi de Pentecôte, Assomption, Toussaint, Noël), et cinq sont des fêtes civiles (1er janvier, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 11 novembre). Notons que les Départements et Régions d’Outre-mer (DROM) et les collectivités d’Outre-mer ont des dates fériées supplémentaires issues de leur histoire propre.
Mettre en place un calendrier laïc, c’est-à-dire sans jours fériés liés à des fêtes religieuses, participe à la défense et à la promotion de la laïcité et de la séparation des Églises et de l’État.
De plus, de nombreux jours dans l’année méritent d’être célébrés officiellement par la République française : 8 mars (Journée Internationale du Droit des Femmes), 9 mai (Journée de l’Europe), 10 mai (Journée annuelle de la mémoire de l’esclavage), 17 mai (Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie), 20 novembre (Journée internationale des Droits de l’enfant), 3 décembre (Journée internationale des personnes handicapées), 9 décembre (Journée de la laïcité), etc.
Nous appelons donc au lancement d’une réflexion sérieuse sur les jours fériés de notre calendrier issus de fêtes religieuses, dans l’objectif de constituer un calendrier laïc, libre de tout culte, qui célébrerait d’autres dates importantes. La modification du calendrier ne doit pas empêcher les personnes croyantes de célébrer les dates importantes de leur culte. Des aménagements, notamment sur la question du travail, doivent être pensés. Ce changement de calendrier va dans le sens d’une intégration juste et égalitaire des religions dans la vie de la société française. Il s’agit là encore de faire société avec toutes les religions et non pas contre ou sans les religions, ce qui serait un non-sens.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- Le lancement d’une réflexion sérieuse autour de notre calendrier pour y appliquer la loi de 1905 en retirant officiellement les jours fériés religieux pour les remplacer par des dates importantes pour la France, la République et le progrès social telles que la Journée internationale des Droits des Femmes, la Journée internationale des Droits des enfants, la Journée de l’Europe, la Journée de la laïcité, la Journée annuelle de la mémoire de l’esclavage, etc.
II. L’École, lieu républicain d’émancipation, d’apprentissage et de liberté
L’École de la République, moteur de la laïcité
Pour une École au service de la concorde et de la découverte des autres
Depuis 1882 et les fameuses Lois Jules Ferry, la France a la chance de bénéficier d’un système éducatif ouvert à toustes car gratuit, obligatoire et laïc. C’est une véritable richesse qu’il faut protéger. Il est souvent considéré que l’École est un des symboles les plus forts de la laïcité à la française9, cette laïcité qui doit permettre à toustes de croire ou de ne pas croire et qui garantit un traitement égalitaire de toustes devant la loi, peu importe ses croyances. En effet, l’École est le lieu parfait pour faire connaître le principe de la laïcité, apprendre la concorde, découvrir nos différences et nos points communs. En ce sens, l’École publique ne doit pas être un lieu d’effacement des différences et des identités de chacun·e, notamment religieuses. L’École n’est pas un lieu de disparition et d’effacement des religions, mais un lieu de construction d’un esprit critique, de découverte des autres et du monde, d’ouverture et d’émancipation.
Mais l’École publique française a été elle aussi, à de nombreuses reprises, instrumentalisée à des fins politiques pour en faire un lieu d’effacement des identités, ou de certaines identités. Les batailles politiques et médiatiques menées par les défenseur·euses d’une “laïcité de combat” contre le port de l’abaya et du qamis ou contre la venue de personnes voilées en tant qu’accompagnateur·rices de sorties scolaires sont dangereuses. Lancées par la droite et l’extrême-droite pour servir leur agenda médiatique, ces polémiques honteuses ne servent qu’à servir leurs intérêts électoraux, notamment en cachant le manque de moyen de l’enseignement public français, et à visibiliser l’islamophobie et le racisme de ces porteur·euses de haine qui ne maîtrisent en rien le principe de la laïcité française hérité de 1905. Nous dénonçons l’instrumentalisation discriminante de la laïcité et rappelons que d’aucune manière le droit français n’interdit un parent portant un signe religieux ostensible d’accompagner des enfants lors d’une sortie scolaire10.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- Des enseignements réguliers au fait religieux auprès des élèves de l’enseignement public dans le but d’éclairer les élèves sur les différentes réalités et pratiques religieuses, et ainsi lutter contre les préjugés et les amalgames, favoriser la concorde et la communication et le dialogue entre les différentes communautés.
Pour un enseignement public accessible à toustes, et pour un enseignement privé plus règlementé
La République française doit permettre à toustes d’accéder à un enseignement public, laïc, de qualité et proche de chez soi.
Cependant, aujourd’hui, bon nombre de parents préfèrent inscrire leurs enfants dans des établissements privés plutôt que publics, car les établissements publics souffrent d’une mauvaise réputation, d’un manque de moyen, ou sont trop contraignants de part leur emplacement géographique. Les établissements privés sont aussi un outil d’entre-soi de la part d’une classe dominante qui pratique un séparatisme social dangereux et contraire à nos valeurs.
L’enseignement privé ne doit ni devenir un choix par défaut pour des parents face à la faiblesse de l’enseignement public, ni être un outil pour une partie de la population cherchant à s’isoler de la mixité sociale. De manière à lutter contre la ségrégation sociale et le séparatisme social, et à améliorer la mixité sociale de tous les établissements d’enseignement privé, ces derniers doivent être intégrés à la carte scolaire au même titre que les établissements d’enseignement public.
L’enseignement privé représente également une part conséquente du budget de l’Éducation nationale. Nous appelons au lancement d’une réflexion sur ses financements et son encadrement.
Certains parents choisissent également d’inscrire leurs enfants dans des écoles associatives qui promeuvent un enseignement laïc, ancré dans une culture régionale, où la pratique de la langue régionale est centrale. C’est le cas par exemple des écoles Ikastola au Pays Basque ou des écoles Diwan en Bretagne. D’autres choisissent des établissements développant des méthodes pédagogiques différentes tout en suivant le programme scolaire. Il est important de garantir la liberté pour les parents d’inscrire leurs enfants dans ce type d’école.
Notre organisation prenait position en 2015 pour un meilleur maillage territorial “par les établissements publics avec un objectif de proximité”. Nous réaffirmons l’importance de l’accessibilité pour tous les enfants à l’enseignement public laïc, ainsi qu’un financement de l’enseignement public à la hauteur de son importance et une amélioration des conditions d’étude et d’enseignement.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- Une accessibilité pour toustes aux établissement scolaires publics, sans condition
- Un meilleur financement de l’enseignement public pour permettre une meilleure rémunération des professeurs, de meilleures conditions matérielles d’étude, et une égalité d’enseignement pour toustes les élèves.
- La possibilité pour des parents de choisir sans contrainte l’établissement scolaire de leurs enfants.
- La possibilité pour des parents de choisir des établissements non-publics, à la condition que ceux-ci soient intégrés dans la carte scolaire, garantissent la mixité sociale, et respectent les conditions et les contenus d’enseignement fixés par l’État.
- Le lancement d’une réflexion et d’un travail d’analyse sérieux sur le financement des établissements privés.
La laïcité au quotidien dans les établissements scolaires publics
Pour une laïcité expliquée, discutée et comprise
Construire une société laïque où la coexistence des religions et des personnes croyantes est saine et paisible n’est possible que si le principe de laïcité est clairement connu de toustes. Aborder sans retenue la laïcité avec toustes les élèves de l’enseignement scolaire public est alors indispensable. Nous appelons à un large traitement dans les écoles publiques du principe de laïcité émancipateur hérité de la loi de 1905. Le principe de laïcité doit être davantage connu et maîtrisé. Il sera utile d’aborder son histoire, l’esprit de la loi de 1905 (c’est-à-dire une laïcité émancipatrice et non pas une laïcité qui chercherait à effacer les religions de la vie publique), son importance dans la construction et l’équilibre de la République.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- Une révision des cours d’Éducation Morale et Civique dans les établissements scolaires publics, en intégrant notamment des enseignements enrichis sur la laïcité de 1905 dans le but de faire connaître aux élèves le principe de laïcité, son histoire et son importance républicaine.
Pour la liberté de se vêtir sans discrimination
Alors que la loi de 1905 garantit la liberté de culte et de conscience pour toustes ainsi que la liberté de manifester sa religion dans l’espace public, plusieurs mesures récentes sont venues restreindre cette liberté. En 2004, dans un contexte de confusion sur le principe de laïcité, d’islamophobie et de peur des différences qui font pourtant la richesse de la France, une loi “sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises” est votée. Elle interdit “le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse”11.
Cette loi fût une victoire idéologique pour les conservateur·rices. En effet, le principe de laïcité de 1905 veut que les usager·es du service public ne soient pas soumis·es à la neutralité religieuse pour bénéficier des services publics. Ainsi, l’accès à une mairie ou un hôpital pour un·e usager·e n’est pas conditionné à l’absence de signes religieux ostensibles. Avant 2004, les élèves de l’enseignement public étaient elleux aussi considéré·es comme des usager·es du service public, et n’étaient pas soumis·es au devoir de neutralité. Avec la loi de 2004, les élèves ne sont plus libres de se vêtir comme iels le souhaitent et ne peuvent plus porter de vêtements à connotation religieuse pour accéder aux établissements scolaires publics. Pourtant, il est clair qu’interdire un vêtement religieux ostensible qui ne remet pas en question l’ordre public est une atteinte à la laïcité, à la liberté de croire et à la liberté de se vêtir librement.
Mais il est bon d’ajouter quelques nuances. L’objectif premier de la loi était bien de faire disparaître les religions des établissements scolaires publics, et les promoteur·euses de cette loi étaient motivé·es par une vision de la laïcité que nous combattons. Cependant, cette loi a également permis à de jeunes élèves de s’émanciper des pressions familiales, patriarcales et religieuses qui les contraignent à porter un vêtement religieux. Ces jeunes élèves peuvent donc se vêtir sans vêtement religieux en allant en classe, ce qui est tout à l’honneur des établissements scolaires publics qui se veulent des lieux de liberté et d’émancipation.
Considérant le fait que les élèves de lycée ont la maturité de choisir leur manière de se vêtir en toute conscience, il nous semble pertinent de proposer une modification de la loi de 2004. Cette loi est une restriction de liberté claire et discriminante. Elle s’inscrit dans une volonté de masquer les différences et les religions dans l’espace public scolaire. Nous défendons au contraire une laïcité émancipatrice qui permet le dialogue, l’ouverture et la découverte des différences dans le cadre républicain. Nous nous opposons alors aux valeurs et aux dispositions de la loi de 2004 et appelons à sa modification pour permettre aux élèves de lycée de se vêtir comme iels le souhaitent pour se rendre dans un établissement scolaire public, dans le respect des autres et de l’ordre public.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- Une modification de la loi de 2004 pour permettre aux élèves de lycée de porter un signe religieux ostensible dans les établissements scolaires publics, au même titre que les autres usager·es du service public.
L’uniforme à l’École n’est pas une solution
À ce propos, les récentes initiatives visant à promouvoir ou mettre en place le port de l’uniforme dans les établissements scolaires publics dans l’objectif de lutter contre les discriminations et de favoriser la laïcité sont une mauvaise idée. La généralisation de l’uniforme ne règlera en rien les problèmes structurels de l’enseignement public. Et il est désormais admis que les uniformes ne gomment en rien les différences sociales des élèves et ne sont pas un outil permettant une mise à égalité des élèves dans le cadre d’une fantasmée méritocratie.
Les Jeunes Écologistes défendent :
- La liberté pour toustes les élèves de se vêtir comme iels le souhaitent dans les établissements scolaires publics.
- La non-généralisation de l’uniforme dans les établissements scolaires publics.
1 : “Pour une laïcité sans discrimination !”, 1 Sep 2016, Jeunes Ecologistes https://jeunes-ecologistes.org/pour-une-laicite-sans-discrimination/
2 : Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur, Conseil constitutionnel https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur
3 : Polémique autour de l’abaya dans les écoles françaises : ce qu’il faut savoir, France 24. https://www.france24.com/fr/france/20230829-pol%C3%A9mique-autour-de-l-abaya-dans-les-%C3%A9coles-fran%C3%A7aises-ce-qu-il-faut-savoir
4 : Nous préférerons le terme “ostensible” à celui d”ostentatoire”. En effet, “ostentatoire” porte une connotation péjorative et participe à la discrimination des personnes croyantes.
5 : Crèches de Noël dans les bâtiments publics : que dit le droit ? – Libération https://www.liberation.fr/politique/elections/creches-de-noel-dans-les-batiments-publics-que-dit-le-droit-20221222_M34UOTOLXNCZ3FVMUTDKKWN2K4/
6 : Mères voilées et sorties scolaires: mettons un terme à l’instrumentalisation de la laïcité – Observatoire de la Laïcité https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1271390-meres-voilees-et-sorties-scolaires-mettons-un-terme-a-l-instrumentalisation-de-la-laicite.html
7 : Titres et privilèges religieux – Président de la République française – Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9sident_de_la_R%C3%A9publique_fran%C3%A7aise#Titres_et_privil%C3%A8ges_religieux
8 : La Vigie de la Laïcité est un organisme indépendant qui veille sur la laïcité – Vigie de la laïcité https://vigie-laicite.fr/
9 : Gabriel Attal, alors ministre de l’Education, qualifiait en Août 2023 l’École comme un “sanctuaire laïc” (https://www.france24.com/fr/france/20230829-pol%C3%A9mique-autour-de-l-abaya-dans-les-%C3%A9coles-fran%C3%A7aises-ce-qu-il-faut-savoir)
10 : Le Vademecum sur la laïcité à l’École publié en décembre 2023 par le Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse précise bien que selon le Conseil d’Etat, “les parents d’élèves [ont] la qualité d’usagers du service public et qu’en tant que tels ils n’étaient pas soumis à l’exigence de neutralité religieuse prévue pour les agents publics” (https://eduscol.education.fr/document/1609/download)
11 : Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000417977